Article du dossier de presse de rentrée 2024 du SNALC
À l’heure de la rédaction de ce texte, le nom du prochain ministre de l’Éducation nationale n’est pas encore connu. Mais le SNALC n’est pas dupe. Le nom qui figurera – probablement pour quelques mois seulement – sur la porte du cabinet du ministre ne changera pas grand-chose pour la profession pour cette année 2024, alors que la situation de l’école publique empire chaque année un peu plus.
Pourtant, il est vrai que, de l’extérieur, le changement incessant de ministres de l’Éducation nationale depuis deux ans donne l’illusion de dynamisme au sein de l’institution. En réalité, même si l’on annonce à chaque fois de nouveaux objectifs, de nouveaux discours et des améliorations en perspective, les problèmes demeurent. Et de l’intérieur, en revanche, cela ressemble plus à une saga.
Tandis que les ministres se livrent à ce jeu lassant des chaises musicales, les enseignants s’efforcent encore et toujours de maintenir le cap. Mais la pression sur la profession augmente, la situation des professeurs des écoles s’aggrave, leurs conditions de travail se dégradent et certaines difficultés deviennent ingérables.
“Préoccupant” est le mot qui vient à l’esprit pour décrire l’état de l’école aujourd’hui. Même si ce constat est flagrant, il semble échapper totalement à nos dirigeants, davantage préoccupés par des ambitions politiques que par l’avenir d’une profession essentielle en déclin et d’une école sérieusement en détresse.
À chaque nouvel épisode ministériel, de nouvelles mesures pour l’école se transforment souvent en demi-mesures aboutissant à des avancées régressives et à un retour en arrière. Le SNALC ne cesse de dénoncer les décisions prises en dépit du bon sens. Combien de réunions inutiles, de rapports sans suite, de textes inadaptés, de fausses bonnes mesures prises souvent sans avoir réellement pris en compte l’avis des organisations syndicales ? Si le ministère avait pris la peine depuis des années de consulter sérieusement et régulièrement les représentant des personnels, dans un véritable dialogue social, l’école et les professeurs ne seraient pas dans un état critique aujourd’hui.
De fait, nous continuons à nous enliser dans des situations absurdes et parfois préoccupantes, sans même que cela n’alerte l’institution. Prenons par exemple ces 30 minutes d’APQ (activités physiques quotidiennes), inapplicables et sans intérêt, imposées suite à l’annonce des JO de 2024. Que de temps perdu pour un résultat aussi décevant alors que les lacunes des élèves révélées par les diverses enquêtes montrent à quel point le temps d’apprentissage des élèves est précieux.
Or, le professeur des écoles ne le sait que trop bien, l’une des clés de la réussite de ses élèves repose sur sa bonne gestion du temps au quotidien, liée aux choix pédagogiques qui sont les siens. C’est aussi la raison pour laquelle le SNALC s’opposera à toute entrave à la liberté pédagogique.
Que dire alors de ces évaluations nationales chronophages qu’on veut imposer à tous les niveaux de l’école élémentaire dès cette rentrée ? Le SNALC s’y oppose.
La gestion du temps est constamment mise à mal par des injonctions sans intérêt pour l’apprentissage des élèves mais ce n’est hélas pas la seule difficulté de la profession. Dans un monde qui se complexifie année après année, le métier devient de plus en plus contraignant et n’offre plus vraiment la satisfaction ou le plaisir d’enseigner comme c’était le cas il y a encore quelques temps.
La dégradation de la situation économique aurait dû s’accompagner depuis des années d’une révision des salaires des professeurs, ne serait-ce que pour redorer l’image du métier et donner l’envie de continuer à enseigner ou de devenir enseignant… Mais ce n’est pas le cas. Notre pouvoir d’achat ne fait que baisser face à l’augmentation du coût de la vie. Et pour le SNALC, le « travailler plus pour gagner plus » incarné par le pacte est tout sauf une revalorisation salariale, quand les professeurs des écoles travaillent dans les faits plus de 40 heures en moyenne par semaine.
Côté direction d’école, le poste de directeur devient de moins en moins attractif, principalement en raison des nouvelles responsabilités qui s’accumulent, des dangers émergents d’une société en effervescence et des conditions de travail qui ne cessent de se détériorer. Les améliorations de la fonction sont rares et la reconnaissance n’est pas au rendez-vous.
À cela s’ajoute la gestion de situations compliquées comme l’inclusion d’élèves en situation de handicap de plus en plus complexe pour les directeurs, les équipes et les enseignants dans leur classe. Cette inclusion à tout-va, initialement critiquée par le SNALC mais applaudie par d’autres, fait bondir aujourd’hui la quasi-totalité des syndicats qui se gardent bien de reconnaître que le SNALC avait raison depuis le début et qu’il aurait fallu l’écouter pour éviter d’en arriver au point de rupture désormais atteint.
La dégradation impressionnante du moral des professeurs est au centre des préoccupations du SNALC.
Ces derniers accomplissent leur mission tant bien que mal dans des conditions difficiles, marquées de plus en plus par des relations chaotiques et des tensions exacerbées. Et pour quelle reconnaissance ? Tout au long de leur carrière, les professeurs des écoles donnent le meilleur d’eux-mêmes, et quelques années avant de prendre leur retraite, le tri sélectif des enseignants au travers des appréciations professionnelles délivrées par l’institution pour un dernier avancement tient très rarement compte de leur engagement personnel durant toutes ces années. Quel exemple et quelle motivation pour les jeunes générations de professeurs qui pensent déjà à changer de métier, dès les premières rentrées !
Pas étonnant donc que la profession soit confrontée à une vague de démissions croissante. Abandons, burn-out, ruptures conventionnelles, nombreux sont les collègues qui franchissent le pas. Certains nourrissent l’espoir, une dernière fois, de pouvoir changer de département pour prendre un nouveau départ… Mais ils réalisent rapidement que leurs efforts sont vains, en constatant que certains de leurs collègues essaient désespérément depuis 8 ou 9 ans de faire de même pour rejoindre leurs conjoints ou leur famille.
En cette rentrée 2024, le moral des professeurs continue de chuter. Pire encore, comme le disait la chanson, ils finissent même par perdre l’envie… L’envie d’avoir envie. Il est grand temps que notre ministère prenne conscience de la vraie situation préoccupante et agisse.