Depuis l’article que nous avons consacré à la future réforme des retraites et où nous nous inquiétions déjà du sort probable des professeurs, M. DELEVOYE, haut-commissaire aux retraites, a dévoilé une partie de la future réforme. Force est de reconnaître que nous ne nous étions pas trompés, hélas !
Dans le système actuel si désolant qu’il puisse être, les fonctionnaires savent pendant leur période d’activité quel montant de pension ils recevront car ils savent combien d’années ils doivent travailler et quand ils pourront partir en retraite s’ils veulent échapper à la décote ou s’ils peuvent espérer bénéficier d’une surcôte. De même, ils savent que c’est l’État qui leur paye non seulement leurs traitements pendant qu’ils sont en activité, mais aussi leurs pensions une fois qu’ils sont à la retraite. Actuellement, cette contribution se monte à 74% car contrairement à ce que l’État leur fait croire en « retenue pour pension civile» (actuellement une retenue de 10,56% tous les mois) les fonctionnaires ne versent rien pour «la pension civile». Ce qu’on leur «retient» reste dans le budget général de l’État.
Dans le système qui se prépare, les fonctionnaires sauront seulement quelle sera la valeur d’acquisition du point, mais ils ne sauront en aucun cas quelle valeur de service aura le point à la fin de leur carrière.
Ils ne sauront pas davantage à quel âge il serait souhaitable de partir, puisqu’ils ne pourront pas savoir quel montant de pension ils pourront toucher. En revanche, ils sauront combien on leur retient tous les mois pour la retraite des personnes qui sont à la retraite, puisque le système par répartition continuera d’exister. On devine inévitablement que le montant des pensions risque d’être réduit.
Mais M. DELEVOYE nous fait miroiter la prise en compte des primes et des indemnités dans le calcul. Et en effet, toutes les sommes perçues, qu’il s’agisse des traitements, des HSA, des HSE, des indemnités de suivi et d’orientation part fixe ou variable ou des IFSEEP pour les administratifs, les infirmières et les assistantes sociales seront transformées en points.
Et c’est là que réside le principal problème.
Car si les fonctionnaires de l’administration perçoivent des indemnités (IFSEEP ou indemnité de fonction de sujétion d’expertise et d’engagement professionnel) dont le montant est connu selon les groupes de fonctions (I, II, III ou IV selon les cas, les corps et les grades) et représente selon les cas entre 15 et 41 % du traitement surtout ici pour les catégories A+, les professeurs de base qui souvent ne veulent pas être professeurs principaux (et moins que jamais depuis la parution de la récente circulaire sur leurs obligations qui charge la barque de façon dissuasive) ni d’heures supplémentaires, ne toucheront donc dans le meilleur des cas que l’indemnité de suivi et d’orientation part fixe, en moyenne 5% des traitements pour un professeur en milieu de carrière et beaucoup moins en fin de carrière.
Il en résulte que si les professeurs veulent que leur pouvoir d’achat ne soit pas réduit de façon dramatique au moment de leur départ en retraite, ils devront multiplier les heures supplémentaires années, les heures supplémentaires effectives, etc. en sachant qu’ainsi ils auront des chances d’augmenter le montant de leur pension sans savoir de quel pourcentage, puisqu’il leur sera impossible de connaître la valeur de service du point et encore moins le coefficient qui leur sera appliqué par les actuaires de l’I.N.S.E.E. en fonction des tables de mortalité.
La situation des professeurs des écoles sera encore plus dramatique puisqu’ils ne peuvent faire d’heures supplémentaires.
Le projet de M. DELEVOYE consiste, semble-t-il, certes à ne pas faire subir la nouvelle réforme aux personnes qui seront à moins de cinq ans du départ en retraite, mais à l’appliquer non pas en lissant les cas des autres, mais à l’appliquer de façon brutale : au jour dit, on appliquerait le système à tous les personnels en activité à titre rétro-actif en reprenant toutes les informations connues depuis le début de carrière en matière de traitements et de suppléments ou de compléments et à convertir le tout en points. Et tout le monde repartirait de zéro, chacun lesté d’un pécule de points calculé par conversion des sommes perçues. On imagine la difficulté et le temps que prendra la chose ! On imagine surtout la colère des collègues à qui on appliquerait rétroactivement un système de calcul qu’ils n’avaient évidemment pas connu ni prévu et dont ils n’avaient pas tenu compte dans leur déroulement de carrière.
Comment éviter la baisse de revenus? D’abord comme nous venons de l’expliquer en multipliant (comme si cela était possible pour tous !) les activités périphériques (HSA, HSE, ISOE fixe et ISOE variable, etc.) ou en obtenant une augmentation des IFSEEP ou une augmentation substantielle des traitements (rire pour ne pas pleurer !).
Et nous ne savons encore rien de la façon dont seront pris en compte ou non les enfants, pas davantage ce qu’il adviendra des pensions de réversion et bien évidemment rien de l’avenir de la Retraite additionnelle de la Fonction publique.
Gageons que lorsque les collègues auront compris la nature de la sauce à laquelle on veut les assaisonner, ils rueront dans les brancards. Plus ou moins que ne l’ont fait les collègues en 1995, en 2003 et en 2010 ?