Les préconisations du rapport de M. Delevoye pour un passage à un système de retraite universel sont supposées nous amener à un système plus « juste ». Toutefois, ce rapport maintient quelques cas particuliers dans cette universalité. Et les professeurs du premier degré sont justement un cas particulier.
Les professeurs des écoles sont classés dans les professions intermédiaires contrairement aux professeurs du second degré, classés dans les cadres et professions intellectuelles supérieures. Les professeurs du premier degré et les professeurs certifiés du second degré partagent pourtant la même grille indiciaire.
Dans le premier degré, les professeurs se trouvent dans l’impossibilité de faire des heures supplémentaires dans une semaine de vingt-sept heures, ajoutées à une vingtaine d’heures de préparations et de corrections. Et les primes sont inexistantes pour la grande majorité des professeurs des écoles (qui sont pourtant « professeurs principaux » de leur classe), excepté une ISAE de 100 euros.
Les professeurs des écoles sont les seuls fonctionnaires qui ne peuvent pas partir en retraite à leur date anniversaire et se retrouvent dans l’obligation de terminer toute année scolaire entamée, même s’ils sont nés début septembre. A cela, ils sont en droit de réclamer une équité.
Ensuite, la pénibilité de notre métier ne peut être occultée. L’allongement de l’espérance de vie est à confronter à l’espérance de vie en bonne santé. Devoir enseigner jusqu’à 64 – 67 ans, devant jusqu’à parfois 31 élèves, est absolument inconcevable pour quiconque a déjà été enseignant dans une école primaire. D’ailleurs, beaucoup de professeurs des écoles sont actuellement contraints de finir leur carrière en congé longue maladie ou congé longue durée.
Nous pouvons également évoquer la non prise en compte dans le calcul des retraites des allocations préparatoires et allocations de première année allouées lors de la création des IUFM. Ces allocations, en dépit de maintes questions posées au Sénat, la plus récente datant du 16 juillet 2019, devraient être prises en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite (précisons que le décret d’application de la loi date de 1991 et n’est toujours pas entré en vigueur). La réponse du secrétaire d’Etat sur cette question fut la suivante : « C’est donc désormais dans le cadre de la réforme des retraites que nous allons envisager les règles qui ont trait à l’ensemble des retraites des personnels de l’éducation nationale. »
Notre calcul de retraite actuel, basé sur les six derniers mois, compense plus ou moins une faible rémunération sur l’ensemble de la carrière. Mais passer au système par points, prenant en compte les primes, avec une rémunération nettement inférieure aux autres cadres A de la fonction publique, nous désavantage drastiquement.
Les professeurs, les instituteurs, sont plus qu’inquiets sur la question de leur retraite. Ils se sentaient oubliés depuis des années en termes de rémunération, mais ce nouveau calcul dépasse le simple oubli, il est insultant pour tous ceux qui depuis des années se battent pour conserver une École digne de ce nom malgré les réformes incessantes, les difficultés grandissantes et une reconnaissance déplorable.
Nous avons supporté bon nombre de mesures qui ont impacté de près ou de loin notre niveau de vie. Cette fois, l’impact de cette réforme sera sans commune mesure avec la somme de tout ce que nous avons déjà vécu. Face à des spécificités reconnues à certaines professions, comme celles relatives à la pénibilité ou à l’âge du taux plein, les enseignants du premier degré sont légitimement en droit de réclamer une réforme réellement « plus juste pour tous ».
Non seulement on ne se contentera pas d’une attention particulière mais le geste devra être à la hauteur du préjudice subi depuis des années.