Monsieur le Recteur, je voudrais tout d’abord, au nom du SNALC, souhaiter la bienvenue à Monsieur le Secrétaire Général pour son premier CTA.
Lors de la présentation du budget de l’enseignement scolaire le 23 octobre 2019, M. BLANQUER a affirmé que le taux d’encadrement dans le 1er degré serait meilleur à la rentrée 2020 et que celui du 2nd degré resterait stable, tout en conservant le même nombre d’emplois. Au SNALC nous nous sommes dit que c’était mal parti mais nous avons écouté attentivement.
Pour le 1er degré, M. le Ministre a dit se baser sur une baisse démographique attendue de 50 000 élèves et la création de 440 postes. Cependant, il a admis que la scolarisation obligatoire à 3 ans engendrerait une hausse de 26 000 élèves. Au SNALC nous savons faire une soustraction : la baisse attendue serait donc seulement de 24 000 élèves. M. BLANQUER a rappelé qu’il soulignait l’amélioration du taux d’encadrement à chaque rentrée depuis 2017 et que le dispositif des dédoublements en éducation prioritaire allait se poursuivre en Grande Section de maternelle, rentrée après rentrée. Le SNALC a compris, car c’est ce qu’il s’est produit depuis 2017, que les 440 postes créés seraient absorbés par ces dédoublements. M. le Ministre a ensuite déclaré que le nombre d’élèves par classe serait limité à 24 hors éducation prioritaire en Grande Section, CP et CE1, et ce dès la prochaine rentrée. Ce 2ème objectif, aussi séduisant qu’il soit sur le papier, risque fort de ne pouvoir être atteint aussi facilement et aussi vite que M. BLANQUER l’envisage. Cela suppose d’avoir un nombre de salles de classe suffisant dans les écoles et de créer bien plus que 440 postes.
Comme les années précédentes, les postes nécessaires pour atteindre les objectifs du 1er degré seront pris au 2nd degré et ils dépasseront le chiffre de 440. Le taux d’encadrement dans les collèges et les lycées va donc encore se dégrader à la rentrée 2020. C’est paradoxal de constater dans les documents de ce CTA que les effectifs du 1er degré baissent alors qu’augmentent ceux du 2nd degré mais que c’est exactement le contraire qui se produit concernant les moyens. Il est à craindre qu’en dehors des établissements en éducation prioritaire, tous les collèges de notre académie seront traités de la même manière et que les classes à 30 et plus deviendront la norme. Les conditions de travail des professeurs et des élèves seront donc encore dégradées. M. BLANQUER peut essayer de faire croire aux députés que transformer des ETP en heures supplémentaires est une amélioration, je cite : «Les professeurs pourront faire davantage d’heures supplémentaires pour améliorer, s’ils le souhaitent, leur pouvoir d’achat.» Les professeurs ne sont pas dupes. Ils savent très bien que les heures supplémentaires sont un bon moyen pour l’Etat de faire des économies (sans compter qu’en dehors de la 1ère heure qui est mieux payée, les autres sont moins rémunérées, même la 2ème pourtant devenue obligatoire) et que la répartition des HSA obéit à des contraintes qui n’ont aucun rapport avec leur pouvoir d’achat, quand bien même ils le souhaiteraient. La réforme du lycée contribue à dégager des postes pour le 1er degré grâce aux économies qu’elle procure. Certaines disciplines paient plus cher que d’autres ce que M. BLANQUER considère comme une réforme de « personnalisation du parcours des élèves », avec « plus de choix, plus de liberté et plus de responsabilité » pour les élèves. Les élèves qui essuient les plâtres cette année et continueront l’an prochain apprécieront de savoir qu’ils sont responsables de leurs choix surtout quand ils n’ont pu réellement choisir ou qu’ils ont choisi à l’aveugle.
Le SNALC a bien noté la poursuite de revalorisation du traitement des professeurs en REP+ et a, au passage, apprécié le lapsus de M. BLANQUER qui avait d’abord dit que la hausse pour la rentrée 2020 de 1000 euros serait mensuelle avant de se rappeler qu’elle serait annuelle. Pour le SNALC, cette augmentation ne suffira pas à rendre attractifs les collèges en REP+. Elle ne concerne que 50 000 personnes, en REP+, alors que le métier de professeur est de plus en plus difficile dans beaucoup d’établissements hors REP+.
Nous avons entendu M. BLANQUER dire que dans la société du XXIème siècle la fonction professorale devait prendre un sens renouvelé, que l’on devait être en capacité de personnaliser la carrière du professeur et de créer des conditions de travail meilleures que ce qu’elles ont été jusqu’à présent. Le SNALC ne peut s’empêcher de trouver ces belles paroles bien creuses quand on les confronte à la réalité du terrain. Pour le SNALC, le PPCR n’a fait qu’accentuer le manque de reconnaissance de l’investissement des professeurs et créer beaucoup de frustration et d’amertume. Pour le SNALC, la numérisation n’est pas la panacée ; au contraire, elle entraîne pour les professeurs une aliénation chronophage qui empêche de se consacrer au cœur de notre métier : comment transmettre des connaissances. Les preuves scientifiques de la nocivité du numérique sur les enfants et leur santé ne peuvent pas être ignorées. Même les études PISA vont dans ce sens. Pourquoi exposer davantage nos élèves à tous ces écrans quand les dirigeants des industries qui les fabriquent mettent leurs propres enfants à l’abri dans des écoles sans écrans ? La mise en avant du développement durable n’est qu’un moyen supplémentaire de noyer le poisson et si l’on est honnête, comment concilier écologie et numérique à outrance quand on sait que le numérique est responsable d’une part de plus en plus importante de l’énergie primaire consommée par l’humanité ? D’un point de vue pratique, nos collègues nous font remonter, ce que nous prédisions, à savoir que 35 élèves derrière leur tablette font tout et même n’importe quoi, y compris jouer sur Internet ou filmer le professeur. D’ailleurs bon nombre de nos collègues interdisent maintenant l’utilisation en classe de cette tablette, ce qui par voie de conséquence alourdit leur charge de travail puisqu’ils doivent fournir les documents de travail aux élèves. Les conditions de travail des professeurs se dégradent et il n’est pas étonnant que ce métier soit de moins en moins attractif. Les conditions d’étude des élèves se dégradent aussi. Pour le SNALC, la présentation du budget de l’Education nationale pour 2020 n’augure pas d’une rentrée meilleure que celle de cette année qui est loin d’avoir été aussi satisfaisante que M. le Ministre le prétend.
Le SNALC rejoint cependant M. BLANQUER sur un point : notre ministère souffre d’être « sous administré », en particulier en ce qui concerne les Ressources Humaines. A peine plus de 400 personnes pour 1 million de personnels, c’est bien trop peu. Mais l’Education nationale souffre aussi d’un manque d’autres personnels non enseignants. Les personnels administratifs ne sont pas assez nombreux, de même que les CPE, les AED, les Psy-EN, les personnels de santé et sociaux… Quant aux AESH, même si M. le Ministre met en avant leur « déprécarisation », le SNALC estime qu’il reste encore des progrès à faire pour ces personnels et il n’est pas persuadé que les PIAL soient la solution.
On ne peut pas demander aux professeurs de pallier tous ces manques. Dans le 1er degré, la surcharge de travail administratif, en particulier pour les directeurs d’école, est réelle et connue depuis longtemps. Combien de burn-out, de dépressions, de suicides va-t-il encore falloir pour qu’enfin notre administration fasse le nécessaire ? D’une manière générale, combien de temps les professeurs vont-ils encore tenir à remplir des tâches administratives de plus en plus chronophages pendant et en dehors des heures de cours, à passer de plus en plus de temps à lire et à répondre à des courriels toujours plus nombreux via leur messagerie professionnelle, i-prof, ou les différents logiciels tels que Pronote ? Trop de parents d’élèves agissent de plus en plus comme des consommateurs exigeants. Il faudrait envisager de leur diffuser la charte académique d’utilisation des outils numériques et peut-être créer à leur intention une charte du parent d’élève. Dans quelle autre profession accepte-t-on qu’on vienne vous expliquer comment faire votre métier ? L’ISOE et l’ISAE sont bien légères en contrepartie du temps consacré aux parents. Sous prétexte de personnaliser le parcours de chaque élève, on oblige les professeurs à remplir des formulaires qui changent régulièrement. Quand va-t-on se rendre compte que formaliser systématiquement tout ce que font les professeurs n’a pas d’intérêt et les empêchent de s’occuper utilement de leurs élèves ? La personnalisation des parcours en lycée va-t-elle se transformer en parcours du combattant pour les professeurs qui devront se démultiplier pour assister à tous les conseils de classe ?
Lorsque M. BLANQUER déclare qu’environ 800 millions sur le milliard de hausse du budget de l’Education nationale bénéficieront pour l’essentiel aux personnels et donc à leur pouvoir d’achat, le SNALC affirme que cela ne constituera aucunement une revalorisation financière. Il s’agira de l’augmentation naturelle due au déroulement des carrières, de la hausse du nombre d’heures supplémentaires et des conséquences du PPCR. Le SNALC rappelle que le traitement des professeurs qui stagne depuis de nombreuses années est la cause d’un décrochage de leur pouvoir d’achat et d’un déclassement évident. Même s’ils sont encore considérés comme des cadres de catégorie A, ils sont loin d’en avoir les salaires.
Le SNALC demande que le traitement net des enseignants soit revalorisé à hauteur de la rémunération moyenne des cadres A de la fonction publique, ce qui implique :
➤L’augmentation des indemnités de façon à ce que leur part atteigne 30% du traitement brut, comme dans le reste de la fonction publique au lieu des 10% actuels – cette augmentation est d’ailleurs indispensable pour l’équité des futures pensions, dont le montant devrait être aussi basé sur les primes.
➤En conséquence, une augmentation substantielle de la part fixe de l’ISOE / ISAE, afin de l’aligner sur la prime purement statutaire que touchent les autres cadres de catégorie A.
➤La modification du calcul de la rémunération des heures supplémentaires, avec majoration de 25% par rapport à l’heure de service normale et indexation sur l’échelon.
➤La réfection des grilles indiciaires avec ajout d’échelons et large ouverture de l’accès à la classe exceptionnelle.
➤Le dégel du point d’indice est bien sûr également indispensable pour mettre un terme à l’effondrement du pouvoir d’achat.
Le SNALC est très pessimiste en ce qui concerne la réforme à venir de la retraite. De l’aveu même de M. DELEVOYE, les enseignants seront les grands perdants de la réforme envisagée, ce qui est une façon de reconnaître que nous avons bien raison de dénoncer la faiblesse de nos traitements. Le SNALC participe aujourd’hui à Paris aux négociations sur ce sujet. Le SNALC exige très clairement l’augmentation de la part fixe du traitement sans contreparties. Il prendra ensuite une décision quant au mouvement de grève du 5 décembre prochain.