Entre revalorisation attendue…
Suite aux déclarations de notre Premier Ministre annonçant la réforme des retraites vers un système universel par points le mercredi 11 décembre 2019, Jean-Michel Blanquer a tenu à rassurer les professeurs : « L’enjeu est donc de revaloriser progressivement leurs rémunérations de manière à maintenir le niveau de leurs pensions. »
Oui mais voilà ! Les professeurs ne sont toujours pas rassurés. Ce n’est pas sur 10 ans que la revalorisation se ferait, si revalorisation il y a, mais sur 15 ans. Et ce ne serait pas uniquement sur la part fixe si on écoute attentivement Jean-Michel Blanquer. Lors du Grand Jury sur RTL, le dimanche 15 décembre, il parlait de travailler « et sur les salaires et sur les primes », il évoquait une « redéfinition du métier », « rendre visible ce qui est invisible », aménager le temps de travail, personnaliser les choses (comme « décélérer en fin de carrière »).
L’évolution de nos pensions dans le système universel serait « une réelle préoccupation à la fois pour des raisons évidentes d’équité, mais aussi d’attractivité des métiers. » … Cependant, l’effort de rémunération porterait uniquement sur les professeurs nés après 1975, à partir du 1er janvier 2021. Et la revalorisation des primes (pour ceux qui en touchent) porterait en priorité sur les débuts de carrière.
… et retraite espérée
« La première génération concernée par la réforme partira à la retraite à partir de 2037 : comme les autres salariés, les personnels nés avant 1975 et qui partiront donc dans les 17 années qui viennent ne constateront aucun changement dans les modalités de calcul de leur retraite. » (Extrait du dossier de presse Le sytème universel de retraite, p 29)
Le SNALC tient à apporter quelques précisions : cela sonne bien sur le papier, si vous êtes né(e) avant 1975, que vous partez à 62 ans révolus, le 1er septembre 2036, et que vous avez vos 168 à 172 trimestres requis pour le taux plein (selon votre année de naissance).
SAUF QUE, dans les faits, les professeurs des écoles partent à la retraite vers 64 ans pour faire diminuer leur décote due au manque de trimestres requis ou bien ils finissent malheureusement leur carrière en congé maladie car ils sont exténués par un travail « usant » (qualificatif employé par le Premier Ministre). On en revient à la fameuse espérance de vie en bonne santé, ignorée voire niée. L’espérance de vie en bonne santé en France est en-dessous de la moyenne européenne : 64,5 ans pour les femmes et 63,4 pour les hommes, soit juste l’âge pivot de 64 ans préconisé dans le projet de réforme.
SAUF QUE, à partir de 2022, il y aurait un âge d’équilibre ou âge pivot de 62 ans et 4 mois, qui augmenterait de 4 mois chaque année jusqu’en 2027 pour atteindre 64 ans. Cet âge engendrerait un bonus ou un malus de 5% par année manquante ou cotisée, selon que l’on parte avant ou après 64 ans.
L’âge d’équilibre nous concernera tous au final
La décote qui existe actuellement pour ceux qui n’ont pas tous leurs trimestres au moment du départ perdurerait. Elle ne se cumulerait pas avec la décote liée à l’âge d’équilibre mais ce serait la décote la plus défavorable qui s’appliquerait (contrairement à ce qui se fait actuellement, où l’on prend la décote la moins défavorable).
Prenons l’exemple d’un professeur né en 1974. Il doit avoir 172 trimestres pour une retraite à taux plein. En ayant commencé à 22 ans, à 62 ans il n’aura cotisé que 160 trimestres (si pas d’interruption dans sa carrière) en 2036. Il lui manquera donc 12 trimestres avec une décote de 1,25% par trimestre manquant, soit 15% de décote sur le montant de sa pension. Ce professeur sera donc tenté de continuer pour diminuer sa décote. Et c’est là que le système universel ne l’épargne pas finalement et lui fait un beau cadeau avec l’âge d’équilibre. Il lui manquera 2 années par rapport à l’âge pivot de 64 ans, ce qui lui fait 10% de malus. Entre 10 et 15 % de décote, on lui appliquera le plus défavorable, en se basant sur l’ancien système. Il sera donc forcé de continuer à travailler pour améliorer sa pension.
L’âge pivot s’appliquerait à tout le monde, même à ceux qui envisageaient de partir à la retraite en 2022. Un professeur né en 1960, qui atteint 62 ans en 2022, avec 42 annuités, ce qui lui donne droit au taux plein dès l’âge d’ouverture des droits, devra patienter quatre mois de plus pour conserver le bénéfice du taux plein.
Et pour peu que l’âge pivot empiète sur une année scolaire, nous faudra-t-il terminer cette année scolaire, nous les seuls travailleurs à ne pas pouvoir partir à la date souhaitée, nous les seuls travailleurs pour lesquels on exige une refondation du métier en contrepartie d’une hypothétique revalorisation ? Rappelons d’ailleurs que notre revalorisation ne semble conditionnée que par la réforme des retraites !
Nés avant 1975, vous ne serez pas impactés par les points mais l’âge pivot de ce projet tout sauf plus juste vous concerne.
Le SNALC ne signera pas un chèque en blanc. Le SNALC appelle à la grève le jeudi 9 janvier 2020.