À l’heure où j’écris cet éditorial, un amendement du gouvernement à la loi de décentralisation prévoit de placer les adjoints gestionnaires sous « l’autorité fonctionnelle » des collectivités territoriales.
C’est une proposition qui va à l’encontre même d’un accord signé par le ministre avec plusieurs organisations représentatives — dont le SNALC.
Cette « autorité fonctionnelle» a décidément le vent en poupe. Déjà convoquée dans la loi Rilhac sur la direction d’école, elle est aussi la notion qui permet au directeur du CNED de prendre des sanctions de premier groupe sur les agents. Pas besoin d’être un supérieur hiérarchique pour surveiller et punir. L’autorité fonctionnelle, c’est toutes les responsabilités, mais souvent sans les avantages (statut, salaire). Et c’est aussi multiplier les donneurs d’ordres pour un même personnel, avec la chance pour ce dernier de recevoir des injonctions contradictoires.
Il faut dire que notre administration a un problème majeur avec l’autorité. Alors même qu’elle est depuis longtemps loin de soutenir ses agents dans leurs conflits vis-à-vis d’élèves ou de familles, elle n’hésite pas à faire preuve d’autoritarisme à Besançon pour un simple message d’un collègue sur la question du soutien de l’institution à Samuel Paty. Avant de se rétracter aussitôt devant une intersyndicale combative : il faut dire que sanctionner la liberté d’expression ici, ce n’était pas très «Charlie»… Il faut parfois même en passer par la justice, et c’est ainsi que le SNALC gagne régulièrement des procès face à des abus de pouvoir.
Mais il n’y a pas que dans le domaine des ressources humaines que l’autorité de l’employeur est dysfonctionnelle. Elle l’est tout autant sur le plan pédagogique. Ainsi, la dernière réforme du baccalauréat général et technologique — comme le CCF en voie professionnelle — n’en finit pas de produire des textes au kilomètre pour simultanément contraindre chaque collègue dans sa pratique quotidienne et le laisser se débrouiller en cas de conflit. Projet d’évaluation bidon, foire aux questions souvent incompréhensible : l’avènement du bac local se fait par un cadrage qui laisse pantois. Personne au ministère n’a le courage d’écrire que oui, une absence non justifiée ou une triche, ça vaut zéro. En revanche, il y a du monde pour vous ordonner de faire des rattrapages de rattrapages de rattrapages, et ce, ad vitam æternam, à moins que ce ne soit jusqu’à ce que les parents vous laissent enfin tranquille. Visiblement, la bienveillance, c’est pour les élèves, pas pour les personnels.
Pour le SNALC, la bienveillance commence par le fait de bien rémunérer et d’offrir de bonnes conditions de travail à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale et du Supérieur. Quand il faut la jouer collectif, comme récemment encore pour les AED et pour les AESH, mais aussi sur la gestion de la situation sanitaire, nous n’hésitons pas à le faire. Quand il faut en passer par la justice, nous le faisons, mais toujours de façon pragmatique et efficace. Quand il faut porter la parole des personnels dans les grands médias nationaux comme dans la presse locale, nous répondons présents. L’autorité du SNALC vient de la légitimité que vous lui apportez par vos adhésions et votre soutien, de la clarté de sa parole, de sa connaissance des dossiers, de sa très grande réactivité. Ce n’est pas une autorité fonctionnelle : c’est simplement une autorité qui fonctionne.