Pour devenir enseignant du premier degré, il fut un temps nécessaire d’avoir le bac, puis le DEUG (équivalent de L2) pour se présenter au concours. En 1990, les IUFM furent créés et la licence (ou 3 années d’études supérieures sanctionnées par un diplôme) devint la condition requise pour se présenter au concours, le CRPE. En 2013, les IUFM devinrent des ESPE (renommées INSPÉ depuis 2019) et le Master 1 fut le diplôme exigé pour se présenter au CRPE. Depuis 2022, il est désormais nécessaire d’avoir un Master 2, le CRPE ne se trouvant plus en fin de M1 mais en fin de M2.
En 1989, l’exigence d’une licence s’accompagna de la création du corps des PE, les enseignants du premier degré devenant ainsi des cadres A, et percevant le même traitement brut que les certifiés. Cette meilleure rémunération était un argument d’attractivité avancé à l’époque car les candidats à l’enseignement manquaient à l’appel, notamment et surtout des candidats masculins. C’est pourquoi, pour attirer ces derniers, les candidats de filières scientifiques furent alors avantagés pour l’entrée à l’IUFM. Il fut également mis en place dans les années 90 une allocation préparatoire sur dossier (30 000 francs, versés sur l’année de licence) et une allocation de première année d’IUFM (50 000 francs), pour permettre aux futurs PE d’étudier dans les meilleures conditions possibles, tout en s’engageant à devoir 5 années à l’Éducation nationale une fois titularisés. A cette époque, le nombre de candidats au CRPE devint peu à peu très important, rendant le niveau du CRPE très exigeant au regard du nombre de places selon les académies.
Aujourd’hui, la réforme de la formation initiale pour devenir PE a introduit la contractualisation durant le Master : le ministère a créé le statut de « contractuel alternant » dans la formation Master, avec une rémunération proportionnelle au 1/3 temps effectué en responsabilité devant élèves. Repousser le CRPE à l’issue du M2 a retardé d’une année l’entrée dans la vie active et la perception d’un véritable salaire, mettant ainsi un point final au double statut étudiant-stagiaire.
Parallèlement à cela, le ministère a décidé de chercher des futurs PE dès le bac en poche en lançant le PPPE (parcours préparatoire au professorat des écoles) à la rentrée 2021, afin de « susciter des vocations » et « faire face à la baisse du nombre d’inscrits au concours ». Pendant les trois années de licence, les cours des PE en herbe sont dispensés à la fois en lycée et à l’université.
Ce PPPE, qui risque de bloquer les étudiants dans une filière, puis une profession dont ils ne pourront plus s’extirper, a déjà connu plusieurs abandons au démarrage…
Les deux sessions de CRPE à Créteil, même en baissant le niveau d’exigence, même en instaurant un 3èmeconcours (accessible à tous ceux qui ont au moins cinq ans d’expérience professionnelle dans le secteur privé, sans condition de diplôme), ne suffisent pas à combler les manques.
Le métier n‘attire plus et c’est un fait. Le nombre de candidats au CRPE baisse et la prime Grenelle de début de carrière ne changera rien. Rémunération, considération et conditions d’exercice sont devenus des « repoussoirs ». Le professorat des écoles risque de devenir un métier temporaire, de plus en plus une seconde carrière, mais les meilleurs échelons de rémunération ne seront alors jamais atteints.
Par le passé, on devenait instituteur de père en fils ou de mère en fille. Dans les années à venir, les futurs PE ne seront probablement pas nombreux à être enfants d’enseignants. Les PE en fin de carrière ne se reconnaissent plus dans leur institution, alors que ce sont pourtant les professeurs les plus expérimentés qui feraient la meilleure publicité de leur profession. Dans les conditions d’exercice actuelles, bon nombre de PE engagent les étudiants à aller voir ailleurs. Avec un M2, le privé paye souvent mieux.
Pour le SNALC, l’Éducation nationale s’engage dans une voie où il y aura de moins en moins de PE de carrière, si les questions de rémunération, conditions de travail et formation de la profession ne sont pas réglées rapidement.
C’est juste. On peut aussi s’intéresser au coût que représentent ces années d’études dans l’âge de départ à la retraite, du frein de la décote. Dans le système de l’éducation nationale les études supérieures ne sont pas considérées dans le calcul de l’âge de départ à la retraite, comme s’il s’agissait d’un emprunt qu’il faut que l’on rembourse en années d’exercices. Aujourd’hui, de plus en plus d’étudiants rebondissent sur leurs premières années d’études, choix ou manque de choix d’orientation, conditions d’études ou de logement difficile. Là aussi, des années perdues pour eux. Ce qui reprend le thème de votre sujet: L’éducation nationale, ses étudiants, son métier.