Après le projet Delevoye et la retraite à points, le problème des retraites des PE n’est toujours pas considéré comme il se doit dans ce nouveau projet.
Le SNALC ose le dire : enseigner aujourd’hui n’a plus rien à voir avec enseigner il y a 40, 30, voire même 20 ans. Les élèves ne sont plus les mêmes, les attentes de l’institution non plus, et la déconsidération de notre profession est un fait. Enseigner ne fait plus rêver : la faiblesse de nos rémunérations contribue au problème de l’attractivité et le recul de l’âge légal rebutera davantage de candidats au professorat
Une décote assurée
Le nombre d’annuités requises pour une retraite à taux plein passerait de 42 à 43 pour ceux nés à partir de 1965, alors que cela ne concernait que ceux nés à partir de 1973. Cependant, en ayant commencé à enseigner vers 25 ans, il faudra atteindre 68/69 ans pour avoir tous ses trimestres. Donc le maintien à 67 ans de l’âge limite est une pure hypocrisie.
Et quand on lit que l’on pourra travailler jusqu’à 70 ans pour combler le manque de trimestres, on se croirait dans une dimension parallèle !
À l’heure actuelle, beaucoup de nos collègues partent sans avoir tous leurs trimestres requis car ils n’en peuvent plus. La décote se généralise dans notre corps de métier : à 62 ans, beaucoup sont contraints, physiquement et psychologiquement, de s’arrêter. Alors imaginez à 64, 68, 70 ans !
En ce qui concerne la catégorie active (les ex-instituteurs ou instituteurs), là aussi le nombre de trimestres requis est difficile à atteindre et nos collègues n’attendent pas l’âge limite des instituteurs (62 ans) pour partir. Ils envisagent leur départ dès 57 ans et ceux qui repoussent leur départ font des calculs pour avoir une décote la plus faible possible.
Le droit enfin accordé de partir à l’âge légal, même en cours d’année scolaire ?
Jusqu’à présent, un PE qui atteint l’âge légal de 62 ans en cours d’année scolaire ne peut toucher sa pension que le 1er septembre suivant et doit donc travailler jusqu’à la fin de l’année scolaire. Ou, il peut réclamer sa pension avec paiement différé, ne pas reprendre la classe le 1er septembre, mais ne perçoit RIEN jusqu’à ces 62 ans d’âge légal. Autant dire que ce choix est très rarement fait, que l’on parte en catégorie active ou en catégorie sédentaire.
Voici la justification de ce pur scandale, maintes fois dénoncé à l’Assemblée nationale : le législateur considère que le maintien en activité des enseignants du premier degré jusqu’au terme de l’année scolaire va dans « l’intérêt du service et des élèves », ce dispositif visant à « assurer une continuité pédagogique au bénéfice des élèves du premier degré, compte tenu de leur jeune âge, et la dispense des cours par un même enseignant tout au long de l’année ».
À l’heure de la contractualisation décomplexée du métier, cet argument ne tient plus la route.
Le projet de réforme des retraites s’accompagne donc de la réparation de cette injustice qui touche uniquement les professeurs du premier degré : l’impossibilité de partir à la retraite à l’âge légal sans avoir terminé l’année scolaire entamée, en application de l’article L. 921-4 du code de l’éducation. Mais pour cela, il faut que la loi soit votée. Pour faire passer la pilule du recul de l’âge légal aux PE ?
Des années d’études rémunérées qui ne comptent pour rien
La non prise en compte dans le calcul des retraites des allocations préparatoires et allocations de première année allouées lors de la création des IUFM, pour une histoire de décret d’application non publié, est inadmissible mais pour autant toujours pas considérée.
L’article 14 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique indiquait que « les périodes pendant lesquelles ont été perçues des allocations d’enseignement créées par le décret n° 89-608 du 1er septembre 1989 portant création d’allocations d’enseignement, ainsi que la première année passée en institut universitaire de formation des maîtres en qualité d’allocataire, sont prises en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite, sous réserve de la titularisation dans un corps d’enseignements et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ». A ce jour, et là aussi après plusieurs questions de sénateurs, il serait temps d’y remédier. Pourtant, ce point n’apparait nulle part dans le projet de loi.
Pénibilité et usure professionnelle refusées
Le SNALC ne cesse de dénoncer les risques psycho-sociaux exponentiels auxquels est soumise notre profession : le bruit ; la fatigue intellectuelle ; la gestion de plus de 25 élèves 24 heures par semaine, avec toute la différenciation, l’individualisation et les responsabilités que cela suppose, sans compter les heures de réunions et de rendez-vous avec les parents, les agressions verbales et physiques, les élèves perturbateurs, les formations obligatoires toutes plus obligatoires les unes que les autres, les 44 heures de travail réel par semaine, etc. Mais tout cela, on préfère le cacher sous le tapis.
Aucun gouvernement n’a jamais voulu prendre en compte la pénibilité de notre profession. Et la création du corps de PE a d’ailleurs mis fin à la catégorie active pour les nouvelles recrues, sous prétexte d’une meilleure rémunération.
Le projet de réforme prévoit pour les métiers « « pénibles » et « usants » un suivi médical renforcé, qui permettra d’identifier les situations permettant un départ anticipé en retraite. Enseigner est devenu un métier usant mais nous ne sommes pas concernés. Un suivi médical régulier n’existe déjà pas dans notre métier, alors pas la peine d’espérer un suivi médical renforcé. Et pour cause : il ne reste plus que 839 médecins scolaires pour toute la France. En 2015, il en restait 1200 !
Alors là aussi, pour nous faire passer la pilule du recul de l’âge légal, on nous octroierait le droit de travailler à temps partiel avec la retraite progressive à partir de 62 ans.
Le tollé autour d’une retraite à points ou calculée sur les 25 meilleures années a fait revenir notre gouvernement sur ce projet inacceptable. Aujourd’hui, eu égard la faiblesse des revenus des PE (et le refus de nous payer à hauteur de ce que l’on nous doit), dans ce nouveau projet nous conserverions une pension calculée sur l’indice détenu les 6 derniers mois. Par contre, le recul de l’âge légal n’arrangera pas le montant de notre pension. D’autant plus que la surcote (majoration de la pension pour trimestres cotisés en plus) n’est accessible qu’à ceux qui remplissent les deux conditions suivantes : âge légal atteint ET nombre de trimestres requis atteint. Autant dire que si la retraite devient un lointain concept, la surcote elle, ne concernera plus aucun professeur.
Pour le SNALC, refuser de prendre en compte tous les paramètres et la particularité de notre corps de métier est vécu comme une nouvelle marque de mépris.
Pour plus d’informations, consultez notre dossier en ligne : Réforme des retraites : le SNALC fait le point