Depuis quelques années, les dotations de l’État allouées aux mairies se réduisent et les charges des communes augmentent sans cesse. Dans ce contexte économique, certains acteurs politiques ont accueilli avec enthousiasme le rapport Duran (rapport sur la mise en œuvre des conventions de ruralité par le sénateur Alain Duran, mai 2016) qui préconise la construction de «pôles enfance» en lieu et place des Regroupements Pédagogiques Intercommunaux (RPI). Ces derniers ont été instaurés dans les années 2000 pour prétendument maintenir les écoles dans les villages : on gardait un niveau ou un cycle par village, ce qui obligeait souvent les parents ayant plusieurs enfants à les scolariser dans des écoles différentes. Ces dispositifs ont en fait souvent facilité les suppressions de postes puisque les effectifs des différentes écoles d’un même RPI se trouvaient fusionnés comme s’il n’y avait qu’une école unique. C’est ainsi que dans les Pyrénées Orientales par exemple il y a eu plus de quarante postes supprimés dans la trentaine d’écoles rurales du secteur de Cerdagne Capcir.
Ainsi, on a monté des projets de type «pôle éducatif» ou «pôle jeunesse» regroupant l’école, le restaurant scolaire, les infrastructures sportives annexes, les parkings, les locaux pour le périscolaire et parfois même la crèche. Mais ces programmes voient le jour sur un seul des villages de l’intercommunalité et souvent sur l’extérieur de la commune choisie. Ils sont pour les municipalités la solution économiquement viable au détriment de la réfection des écoles existantes, car seuls ces projets sont subventionnés par l’Union Européenne.
Ces pôles éducatifs peuvent sembler très séduisants de par la modernité des infrastructures et la concentration sur le même lieu des besoins spécifiques de certains élèves. Ils contribuent dans un même temps à la poursuite de la perte du service public en milieu rural avec des conséquences parfois dramatiques non seulement pour la survie des communes mais également pour la réussite des élèves. Les professeurs se retrouvent dans de beaux locaux sans doute mais ils doivent enseigner dans des classes multi-niveaux aux effectifs souvent très lourds. Par ailleurs, les fermetures d’écoles permettent à l’État d’économiser aussi des postes de direction.
Tout se passe finalement comme si on voulait déménager l’école de la ville à la campagne et à la montagne, au mépris de la prise en compte de la spécificité des territoires chère au SNALC : les élèves parfois très jeunes se trouvent contraints de prendre des bus sur des temps de trajets accrus pour accéder à ces pôles. À cela s’ajoute le caractère accidentogène des routes de montagne. Pour les mêmes raisons de distance, ces structures éloignent les familles des écoles et amoindrissent la possibilité de tisser avec les parents les liens souvent indispensables à la réussite des élèves. A l’heure où les rapports enseignants-familles sont bien fragilisés, est-il besoin de faire fi de cet aspect important?
Le SNALC déplore une fois de plus que l’aspect comptable prenne l’ascendant sur l’aspect humain. Il déplore que les dédoublements des CP et des CEI en ville se fassent sur le dos des écoles rurales, au mépris de l’équité des territoires. D’autant qu’une étude récente du réseau Canopé (1) démontre que les élèves issus de milieux ruraux ou de montagne ne réussissent pas forcément moins bien que ceux issus de milieux urbains. Ces classes nécessitant un enseignement adapté à la situation requièrent un autre mode de relations entre les élèves dans lesquelles le partage, les temps d’autonomie, la collaboration entre élèves jouent un rôle central.
Il apparaît donc primordial pour le SNALC de préserver ces écoles de proximité à taille humaine et les classes uniques qui ont non seulement prouvé leur intérêt sur le plan éducatif mais aussi sur la plan de la cohésion nationale, à l’heure où se trouvent dénoncées les fractures territoriales engendrées par une politique éducative qui méconnaît les problématiques inhérentes aux zones rurales et de montagne.