Ce devait être une formidable opération de communication, permettant de réfléchir de façon approfondie sur le système éducatif et d’embarquer la société entière (et le reste du gouvernement ?) sur la cause des enseignants. Un grand colloque scientifique, des « États-Généraux », plus de 150 heures de réunion… et tout ça pour ça.
Certes, la situation sanitaire n’a pas aidé, mais ce serait dédouaner un peu vite le ministère de ses intentions discutables. Le SNALC, fidèle au poste, et dans l’optique de vous rendre compte dans le détail de la teneur des échanges, a assisté à tous les ateliers, et est également de tous les groupes de travail de l’agenda social.
Le résultat est là. Nous avons lu les dix synthèses (une par atelier), et nos responsables les ont analysées. Le bilan est sans appel : on a eu droit très exactement à ce que l’on craignait. Je cite quelques expressions représentatives de mes collègues : « un monologue où tout est préparé », « la tenue de cet atelier fut inadmissible », « aucun cadrage rigoureux du sujet », « une mascarade », « ridicule au regard des problèmes quotidiens rencontrés dans l’ensemble de nos métiers », ou bien encore « une synthèse de discussions de comptoir ».
La palme revient sans nul doute à la synthèse de l’atelier revalorisation, où le rédacteur va jusqu’à se réjouir du départ d’organisations syndicales représentatives car cela a permis, selon lui, de « rééquilibrer la composition du groupe ». On a perdu des gens qui s’y connaissaient, et on les a remplacés par d’autres qui n’y connaissaient souvent pas grand-chose : sacré progrès !
Le SNALC, lui, est resté jusqu’au bout, car nous nous sommes fixés l’objectif de vous informer dans le détail. En effet, c’est normalement à partir de ces synthèses que le ministre est supposé faire des annonces, dans un futur plus ou moins proche et toujours incertain. Vous pouvez ainsi juger sur pièces du processus, de la « représentativité » des ateliers, du degré de connaissances techniques et professionnelles de nombre de ses participants, et de la façon dont les débats ont été encadrés, pour ne pas dire orientés.
Enfin, le SNALC a lui aussi une synthèse à soumettre à votre avis. Alors même que la question de la rémunération des personnels enseignants et assimilés ne fait plus débat, alors même qu’hommes et femmes politiques de tous bords n’avaient pas assez de trémolos dans la voix pour dire à quel point l’École était un des piliers de la République, alors même que le funeste projet de réforme des retraites avait mis au jour de façon limpide à quel point la part fixe de la rémunération des professeurs était pitoyable, nous voici aujourd’hui avec dix synthèses parfois intéressantes, souvent irritantes et régulièrement inacceptables. Nous voici sans aucune garantie de revalorisation pluriannuelle, sans aucun projet de loi chiffré, à un an de la fin du quinquennat. Il y a un an, le 26 février 2020, Jean-Michel Blanquer déclarait vouloir « faire du prof français le professeur le mieux payé d’Europe, en mettant le paquet ». Un an après, nous en sommes toujours au même point : le point mort. Notre question est la suivante : y a-t-il un ministre à l’Éducation nationale, avec une volonté et un poids politique suffisants pour faire avancer la cause des personnels ? Notre réponse est sans appel : non. Il y a juste une agence de com’.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC