Risques psychosociaux : qui est (ir)responsable ?

Fin octobre, le ministre de la fonction publique a annoncé vouloir augmenter le nombre de jours de carence des fonctionnaires de 1 à 3, et diminuer de 10 % leur rémunération pendant les trois premiers mois de congé maladie ordinaire (passage de 100 % à 90 % du traitement). Si toute la fonction publique est concernée, l’Éducation nationale en serait particulièrement ébranlée : le SNALC a immédiatement dénoncé ces mesures et analysé quels en seraient les effets délétères dans ce communiqué de presse.

Le ministre entend donc faire supporter à ses agents malades le coût de leurs arrêts de travail. Son emploi récurrent et généralisant du terme « absentéisme » renvoie aux poncifs les plus éculés sur les fonctionnaires, ces flemmards qu’il faudrait responsabiliser en les tapant au porte-monnaie, sous-entendant sans preuve des arrêts abusifs…

Brisons ces stéréotypes : les personnels de l’Éducation nationale, chiffres à l’appui (cf. communiqué), sont moins souvent absents pour raison de santé que les salariés du privé. D’ailleurs, l’INSEE l’a constaté depuis des années : l’introduction d’une journée de carence dans la fonction publique n’a pas modifié la proportion d’agents absents pour raison de santé, mais diminué les absences courtes et augmenté les absences longues. Pour ce qui est de l’Éducation nationale en particulier, une étude récente note même que les femmes et les personnes travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué…

Ainsi, le remède envisagé à un problème ne reposant sur aucune réalité s’apparente en tous points à une saignée du temps de Molière : loin de guérir le malade, il va l’affaiblir durablement voire mettre sa vie en danger ! Le SNALC doit-il vraiment rappeler cette évidence ? Les enseignants exercent auprès d’enfants, souvent porteurs de maladies contagieuses, dans des classes surchargées dont la très mauvaise aération, avérée depuis le COVID, n’a pas été traitée. Contaminés et contagieux, ils vont donc avoir le choix entre sacrifice financier et sacrifice de leur santé, en retournant travailler malades, contaminant à leur tour leurs élèves et leurs collègues ! Quelle publicité pour nos métiers en manque d’attractivité !

Le SNALC est scandalisé que l’État reporte ainsi sur ses agents les responsabilités qui lui incombent quant à la santé et la sécurité au travail. En effet, les conditions de travail sont une des causes principales de détérioration de la santé des personnels, notamment pour ce qui concerne les risques psychosociaux. Sur ce sujet devenu le premier, aussi bien dans les signalements sur les registres santé sécurité au travail (RSST), que dans les déclarations de maladies professionnelles, il y a urgence. S’ils veulent réellement faire diminuer le nombre des arrêts maladie dans l’Éducation nationale, il faut absolument que nos (ir)responsables commencent par là.

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