L’heure du bilan a sonné. Mais l’heure du mea culpa est dépassée. Juste avant des élections présidentielles, les excuses publiques ne sont plus acceptables.
À défaut d’avoir obtenu le respect, notre profession a gagné du mépris. C’est pourquoi le SNALC suggère, à l’avenir, un minimum de décence dans les déclarations médiatiques.
On nous avait promis une revalorisation salariale historique : elle est inexistante et insignifiante pour la plupart des professeurs. C’est pourquoi le SNALC a appelé à la grève interprofessionnelle du 27 janvier 2022. Les paillettes dans notre vie, ce n’est pas pour demain.
On nous avait promis un comité d’entreprise : on nous a concocté Préau, association pour laquelle il faut d’abord débourser 10 euros, pour chaque année scolaire.
Les professeurs connaissent enfin la prise en charge par leur employeur d’une partie de leur mutuelle, à hauteur de 15 euros. Mais avec l’augmentation au 1er janvier de la cotisation mutuelle, ces 15 euros sont déjà bien entamés.
On attendait du respect de la part d’un ministre qui se qualifiait lui-même de ministre des professeurs. A la place, nous avons été traités d’absentéistes… et nous avons été accusés de faire grève contre un virus ! Rappelons également que les périodes de confinement et d’enseignement en distanciel ont même parfois été (malencontreusement ?) qualifiées de « vacances ».
On nous avait promis la prise en compte de notre souffrance au travail : mis à part le développement des RH (une personne de proximité à contacter) sur le terrain la situation est de pire en pire. Et nos directeurs et directrices d’école qui ont tant espéré un allègement des tâches sont devenus de mini ARS, sans aucun jour de déconnexion.
Nous attendions de la protection, celle que notre employeur nous doit, pour exercer correctement : on nous a interdit le droit de retrait dans la FAQ du protocole sanitaire ; nous avons eu des masques-slips toxiques, puis des masques-slips pas toxiques, puis plus de slip du tout, même si le nombre de lavages était dépassé… Les masques chirurgicaux sont enfin là, juste quand le protocole sanitaire s’apprêterait à être allégé, juste avant les vacances d’hiver.
On nous fait croire à l’augmentation du nombre de postes dans le 1er degré à la rentrée 2022 mais ce sont des moyens d’enseignement, pas des créations. Nos futurs professeurs des écoles stagiaires se retrouveront désormais non plus à mi-temps devant élèves mais en charge d’une classe : et voilà comment on gagne X moyens d’enseignement.
Au niveau national, il est à noter que 60 postes d’IEN ont été pris sur le contingent de postes 2nd degré pour contrôler l’instruction en famille et hors contrat, belle illustration que l’école publique se porte de plus en plus mal.
Quant à l’inclusion, le SNALC, qui s’est toujours opposé aux PIAL et à la mutualisation des AESH, tient à souligner le fait que des familles – les plus aisées – ont maintenant recours à des éducateurs spécialisés pour accompagner leur enfant en classe, afin de compenser le manque d’AESH.
Alors, oui ! L’heure du bilan – ou de l’autoévaluation, terme à la mode – a sonné.
Si les partenaires et usagers de l’école sont amenés, à l’avenir, à donner leur avis sur l’école dans le cadre d’évaluations d’école tous les 5 ans, il est normal que les premiers concernés, les professeurs, émettent également un avis sur ces évaluations qui s’imposeront à eux. Pour le SNALC, l’avis des premiers acteurs, ceux qui permettent à l’école de rester ouverte, est l’avis le plus important.
Le climat scolaire (point de vigilance des évaluations d’école) ne pourra s’améliorer que lorsque les tensions internes à l’Éducation nationale seront apaisées.
Comment voulez-vous que les professeurs des écoles se réjouissent d’être visités-inspectés tous les quatre matins dans le cadre d’une évaluation d’école ou d’une formation plan français (tellement idéologique qu’elle fait fi par endroits des recommandations sanitaires) alors que lorsqu’ils appellent à l’aide pour une agression de parents, une diffamation, un élève violent, personne ne leur vient en aide ? Leur parole est systématiquement remise en question avant d’être entendue, quand ce ne sont pas leurs compétences professionnelles.
Quand on sait que le projet de construction du bâti scolaire pour les futures constructions d’écoles préconise une « salle des parents » alors que la plupart des professeurs des écoles n’ont pas droit – et apparemment n’auront pas droit – à une salle des maîtres qui leur sera réservée, comment voulez-vous qu’ils envisagent leur avenir professionnel sereinement ?
La confiance et le respect mutuel sont des valeurs qui se construisent avant d’être gagnées. Ce ne sont plus des fissures sur les murs de l’Éducation nationale mais des lézardes. Au bout d’un moment, le colmatage a ses limites.
La profession, épuisée après deux ans de pandémie à prendre sur soi pour fonctionner, ne peut exprimer, à ce stade, qu’un sentiment de rejet. Alors accordez-nous au moins de la décence.
Tout à fait d’accord avec votre analyse très pertinente.