Une délégation du SNALC, conduite par son président Jean-Rémi GIRARD, accompagné de Philippe FREY, vice-président, a été auditionnée le 24 mai dernier par Mme Cathy RACON-BOUZON, députée LREM et rapporteur sur la proposition de loi relative à l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges.
Mme la députée souhaitait recueillir les observations du SNALC sur le projet de texte de loi relative à l’interdiction du téléphone portable: «À l’exception des lieux où, dans les conditions qu’il précise, le règlement intérieur l’autorise expressément, l’utilisation d’un téléphone mobile par un élève est interdite dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges».
Pour rappel, la formulation actuelle de la loi «Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite. – Article L511-5. », ne permet pas une interdiction totale telle que souhaitée par le ministre, «laissant toutefois aux collèges le soin de choisir entre plusieurs modalités d’interdiction qui vont de la plus souple à la plus dure».
Ce changement de paradigme pourrait d’ailleurs se résumer par «Avant, c’était autorisé sauf là où c’était interdit; dorénavant, ce sera interdit sauf là où c’est autorisé».
La modification envisagée permettrait d’utiliser le portable lors d’activités d’enseignement alors que son utilisation était précédemment interdite. Mais elle ne nous semble pas correspondre à l’annonce initiale ministérielle d’interdiction du portable. Comment expliquer cette reculade ? Lobbying des « pédagogistes » ou des parents d’élèves ? Principe de réalité ?
Si l’utilisation du portable à des fins pédagogiques peut s’avérer pertinente, elle va également soulever de nombreux problèmes :
– La question du contrôle : aujourd’hui, dans les établissements scolaires, des mesures sont prises pour encadrer la navigation sur le web des élèves (présence de professeurs documentalistes, pare-feu et filtres pour limiter le visionnage de contenus interdits aux mineurs). Or, avec l’utilisation du téléphone portable, il sera impossible de contrôler effectivement ce que regarde l’élève avec son appareil. Pour rappel, en mars 2017, une étude IFOP relevait que près de la moitié des enfants de 14 ans, en France, avait déjà visionné une vidéo à caractère pornographique.
– La question de la responsabilité : l’élève peut avoir une utilisation inappropriée de son téléphone : des élèves ou adultes pris en photos ou filmés, sans leur consentement; ces images peuvent être utilisées dans le cadre de harcèlement ou d’humiliation via les réseaux sociaux ou les plateformes comme YouTube. Qui est responsable de cela lorsque cela se passe dans un établissement ? L’utilisateur ? Le parent de l’élève ? Le chef d’établissement, le CPE ou l’AED car il n’a pas pu empêcher cela ?
– La question de l’accessibilité au téléphone : nombreux sont encore les parents qui refusent, par question de principe (ou de moyens), d’acheter un téléphone à leur enfant. Quid d’une activité pédagogique si tous les élèves n’en possèdent pas un ?
– La question des applications et interfaces des téléphones : quelles applications utiliser ? Quel système ? Apple ? Android ?
– La question de la protection des données : comment éviter que ces données soient récupérées à des fins commerciales ?
Au-delà de ces questions qu’il sera nécessaire de traiter, le SNALC n’est pas opposé à une utilisation pédagogique du portable, de façon ponctuelle. A condition toutefois que la décision de son utilisation pédagogique soit du seul ressort de l’enseignant. De la même façon, si ce dernier engage sa responsabilité pédagogique, l’utilisation inadéquate du téléphone relèverait, elle, de la responsabilité pleine et entière de son utilisateur.
Sur le principe, le SNALC est donc plutôt favorable à une interdiction dans tous les lieux sauf éventuellement lors d’une activité d’enseignement même s’il est dubitatif quant à l’application de cette mesure. Il est en revanche opposé à ce que l’interdiction, ou l’autorisation, soit décidée dans les instances locales et souhaite un cadrage national, dans un souci de cohésion.
En effet, avec 1e projet de loi, tel qu’il est écrit, on abandonnerait une règle commune à l’École de la République pour adopter des règles disparates selon les établissements. Ce qui en soi n’est jamais une bonne chose et toutes ces mesures participent à l’affaiblissement d’une éducation nationale, ou si vous préférez d’une éducation commune à l’ensemble des élèves.
Faire reposer la décision sur tes instances locales serait un signe de désengagement de l’État qui se doit de protéger les élèves et les personnels de l’Éducation nationale. En cela, comme toujours, 1e SNALC saura se montrer vigilant.