L’article premier du projet de loi
L’élément qui intéresse le plus les professeurs est dans l’article 1er de la section 1
«Le gouvernement s’est engagé à ce que la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique. Cette revalorisation sera également applicable aux maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation dans le domaine de l’Éducation nationale et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche».
Cette affirmation plusieurs fois entendue dans la bouche du ministre de l’Éducation nationale, n’est pas rassurante pour autant. En effet, quels sont les corps équivalents de même catégorie de la fonction publique sinon les attachés de l’administration de l’État ? Mais lorsqu’on sait que les A.A.E. sont classés en trois grades (attaché, attaché principal, attaché hors classe), et que leurs traitements vont de l’indice net majoré 388 à l’échelon spécial de la hors échelle lettre A soit l’indice net majoré 972, l’on peut se demander à quel grade d’attaché on veut nous rattacher, d’autant que ces indices sont déjà ceux des certifiés, le corps le plus nombreux des professeurs. Par conséquent, la revalorisation ne peut concerner que les indemnités si l’on veut vraiment ne pas défavoriser les professeurs.
Si l’on sait qu’un attaché reçoit une indemnité de fonction, de sujétion, d’exécution et d’engagement professionnel (IFSEEP) dont le taux varie entre quatre groupes différents et selon la générosité de telle ou telle académie (entre 500 et 900 euros par mois) on ne peut que se tapoter le menton d’un index dubitatif.
Enfin, une telle affirmation ne peut que donner raison au SNALC qui, depuis 18 mois, ne cesse de proclamer que les professeurs et surtout les professeurs des écoles sont les grands perdants du projet de réforme : c’est en effet la seule catégorie dont le gouvernement reconnaît qu’elle est défavorisée et qu’il faut lui trouver des compensations sous peine de lui faire perdre entre 500 et 800 euros de pension par mois ! Est-ce bien raisonnable d’édifier un tel projet de retraite au détriment d’un million de professeurs ? M. Delevoye n’aurait-il pas dû y penser pendant les deux ans de «concertation» au lieu de nous annoncer le soir du 18 juillet 2019 que nous serions perdants si le gouvernement n’y mettait pas quelque compensation ?
L’information et les cotisations
Dans le système actuel, chaque fonctionnaire connaît l’évolution probable de sa carrière et sait qu’après avoir travaillé tant de trimestres et être arrivé à tel échelon dans tel grade, il pourra compter sur tel taux de pension.
Dans le projet qui nous est présenté, on nous dit que chaque assuré disposera d’un compte personnel de carrière qui sera renseigné en permanence, qu’il pourra consulter en ligne et qui permettra à tout moment de connaître le montant estimé de sa pension. Ainsi, il pourra prévoir sa date de départ et faire un choix en toute connaissance de cause.
Le plus important est bien entendu le montant des cotisations qu’il devra verser. Le taux sera fixé à 28,12%. « Ce niveau sera partagé à 60% pour les employeurs et à 40 % pour les assurés » soit 11,24% pour les assurés.
Les fonctionnaires travaillant à temps partiel pourront comme maintenant surcotiser «sur une assiette de cotisation à hauteur de l’équivalent du temps plein», mais le texte fait l’impasse sur le fait que la surcotisation surtout pour un mi-temps est très élevée et surtout, il fait silence sur le fait qu’une personne travaillant à temps partiel ne pourra évidemment pas alimenter son compte de points comme si elle était à temps complet, alors qu’actuellement, cette même personne travaillant à temps partiel cotise bien entendu proportionnellement à son temps partiel mais son année à temps partiel lui compte pour une année complète pour la durée d’assurance.
Malus bonus
Actuellement, les fonctionnaires qui n’ont pas la durée d’assurance suffisante subissent au départ à la retraite une décote de 1,25% par trimestre manquant. Au contraire, ceux qui ont dépassé à l’âge légal la durée exigée bénéficient d’une surcote de 1,25% par trimestre supplémentaire.
Le projet de loi remplace ces mots par bonus et malus mais, après avoir précisé que la majoration s’appliquera lorsque l’intéressé partira «après l’âge d’équilibre» ou que la minoration s’appliquera si l’intéressé part avant l’âge d’équilibre qui est de 64 ans même si le texte ne le précise pas.
Comme la notion de trimestre n’existera plus, le projet évoque un bonus ou un malus de 5% par an ou de 0,42% par mois.
Il garantit le niveau des pensions dans le temps : «Aucune baisse des retraites ne sera permise » Ce type de promesse laisse pantois : comment peut-on faire un tel pari quand on ignore ce que sera l’avenir de la France, sa démographie, les grandes tendances économiques, financières et politiques de notre pays ?
Une curiosité
Le rapport Delevoye annonçait que la valeur d’acquisition du point serait de 10 euros pour un point et la valeur de service de 0,55 euro pour un point. Le projet de loi (page 8) écrit « la valeur de service du point sera déterminée par le Conseil d’administration de la caisse nationale de retraite universelle (CNRU)». De même, la valeur d’acquisition sera fixée par le dit Conseil « chaque année ».
Or, le rapport Delevoye se prétendait rassurant en fixant à l’avance ces deux valeurs. Le projet de loi démontre qu’elles étaient purement inventées et qu’elles varieront bien en fonction des «projections financières du système » même si « la valeur du point ne pourra pas baisser, cette règle d’or étant inscrite à l’article 55 du projet de loi». Qui peut vraiment parier sur cette règle d’or si demain la situation économique et financière du pays ou de l’Union européenne traverse une phase très grave ?
D’ailleurs, le projet prévoit «qu’à défaut l’évolution de la valeur du point sera garantie par des règles d’indexation plus favorables que celles actuellement applicables aux actuels droits à retraite. En effet, les valeurs d’acquisition et de service seront fixées par défaut en fonction de l’évolution annuelle du revenu moyen par tête constatée par l’I.N.S.E.E., en moyenne supérieure à l’inflation».