RÉOUVERTURE: Compte rendu de visioconférence entre le SNALC et le ministre
Jeudi 16 avril 2020 à 11h45
Pour le ministère :
– le ministre Jean-Michel Blanquer
– le Directeur général des affaires scolaires, Edouard Geffray
– le DGRH, Vincent Soetemont
Pour le SNALC :
– le président Jean-Rémi Girard
– les vice-présidents Toufic Kayal, Philippe Frey et Marie-Hélène Piquemal
Le SNALC a décidé de rendre publics ses comptes rendus d’audience avec le ministère, afin que l’ensemble des personnels soit informé de façon transparente sur la teneur des échanges, sur ce que nous portons et sur les réponses du ministère.
Pour le ministère, Jean-Michel Blanquer revient sur 2 mots clés dans l’intervention du président : « progressif » et « social ».
Progressif, car il s’agit d’évoluer par étapes pour se fixer des priorités et des modalités d’organisation pertinentes. La situation est inédite, dans tous les pays du monde.
Social, car c’est le fondement des problèmes qui se posent aujourd’hui. La France a bien réussi l’enseignement à distance et l’engagement des professeurs a été salué par tous. On est un des pays qui a le moins de décrochage : 5%, ce qui reste beaucoup, d’autant que c’est une moyenne qui englobe donc des réalités ponctuellement plus lourdes, surtout dans la voie pro (jusqu’à 60% dans certains CAP) ou dans certains contextes familiaux. Par ailleurs, plus le confinement dure, plus le risque social est important. On ne connaît pas l’avenir sur le virus, le vaccin ne sera pas disponible avant 2021… : il n’est pas imaginable de prolonger le confinement jusque-là, c’est le devenir de la société qui est en jeu. Sans compter les problèmes alimentaires, de violences familiales… L’efficacité du pédagogique sera redoublée si on réduit les difficultés sociales.
On doit inventer les contenus des mois de mai et juin 2020. Rien à voir avec les années précédentes.
Nous raisonnons selon 5 catégories :
- Assurer la sécurité sanitaire des personnels et des élèves. Un protocole sera défini, avec un cadre national à respecter, qui sera défini par le dialogue avec les organisations syndicales (OS). Ce protocole évoquera le nettoyage des locaux, les transports scolaires, les cantines… mais aussi l’équipement en gel, savon, masques, tests… en s’appuyant sur ce que disent les autorités de santé.
- La concertation avec les partenaires sociaux pour co-construire les décisions, dans un cadre interministériel. Ces partenaires sont les OS, les élus, les parents, le CNVL, d’autres structures
- La dimension pédagogique et éducative : organiser les périodes mai-juin, les vacances d’été, la rentrée de septembre. Nous devons tirer les leçons de la situation confinement, évaluer les enjeux à venir, en différenciant les âges. Les personnels vulnérables n’auront pas vocation à venir, l’enseignement à distance va donc perdurer aussi (mixte distanciel/présentiel). Des adaptations locales sont à prévoir. En outre, dans la dimension éducative, les élèves ne sont pas dans la même situation qu’avant. Certaines difficultés psychologiques, enfants et adultes, nécessitent écoute, dialogue, réadaptation, etc. Ce sera aussi l’occasion d’avancer sur des enjeux de civisme (avec les gestes barrière par ex.) avec les élèves.
- Les comparaisons internationales. Échanges avec les homologues étrangers, européens. On déplore certaines réactions françaises un peu rapides, sans connaissance réelle de ce qui va se faire ailleurs (Danemark, Allemagne, Autriche…). Nous observerons aussi d’autres points de repères sociaux, territoriaux, classes d’âges…
- La question de la communication. En interne, les solutions qui seront dégagées d’ici une dizaine de jours se déploieront ensuite sur une autre dizaine de jours pour être bien comprises, appropriées par les différents acteurs. En externe, car le confinement a aussi révélé une image positive vis-à-vis de l’EN : la société a compris l’importance et le professionnalisme du travail professoral, précieux, « c’est un cercle vertueux qui s’est enclenché pour le prestige du professeur dans la société française » : c’est un point auquel je tiens (dixit le ministre) car ça compte aussi pour les enjeux d’évolution du métier sur quoi nous avons à travailler.
En somme, la 1re partie est réussie, nous entrons dans une 2de partie pour la continuité du service public, où certains (la santé) se sont encore plus illustrés que nous. Nous ne pouvons pas être en décalage vis-à-vis d’eux. Nous avons besoin d’unité et d’un service public national, avec les garanties des conditions sanitaires.
Pour le SNALC, Jean-Rémi Girard remercie le ministre et précise que des écrits seront envoyés ; le Bureau national était consulté en interne il y a quelques minutes.
Pour le SNALC, la priorité, c’est la question sanitaire et la sécurité des personnels, des élèves, des parents et de leurs proches. C’est notre point d’entrée dans toutes les discussions, quelle que soit leur orientation. On comprend très bien que l’école soit aussi là pour jouer un rôle dans la reprise économique du pays. Sur le plan de la communication, on a aussi également entendu la notion de progressivité. Nous sommes dans un état d’esprit constructif de dialogue et expliciter les éventuels désaccords.
Nous avons un point central : la question de l’information en termes sanitaires, de santé et de sécurité. On a découvert cette décision avec tous les français, sans aucune autre information, de nature scientifique sur les éléments autorisant cette décision. Donc, nous réclamons que le conseil scientifique rende un avis public dans les 15 jours, d’ici la fin du mois d’avril, sur les modalités de reprises des écoles, collèges, lycées : les mises en œuvre de la distanciation, des gestes barrière, etc. Nous savons tous qu’on ne peut pas prédire à ce jour la situation sanitaire du 11 mai. Mais on ne doit pas se retrouver à l’approche de la réouverture dans une situation de polémique scientifique : les réactions seront irrationnelles de la part des personnels, des parents, des élèves. C’est un préalable indispensable : il nous faut absolument un avis détaillé écrit du conseil scientifique sur la réouverture sur le plan sanitaire avant tout, avant les questions pédagogiques ou éducatives, et il ne faut pas que ça tombe d’en haut sur le refrain « on nous a dit qu’on pouvait… ». La population doit être éclairée et comprendre ce qui se passe.
Le ministre répond qu’il a mis ces questions-là dans le premier point et ne voit aucun problème avec ce qui lui paraît être du bon sens. Il n’y a pas de réponse absolue mais une doctrine sanitaire va s’affirmer au travers d’un protocole national qui garantira la sécurité au maximum. D’où l’intérêt de la contribution des OS, sans être épidémiologistes certes (tous d’ailleurs ne disent pas la même chose). On peut être éclairé par la science, sans tomber dans le scientisme. En se défendant de faire l’épidémiologiste du dimanche, il rappelle qu’une étude vient de démontrer que les enfants finalement ne propageraient pas tant que ça le virus… Il y a aussi d’autres vecteurs que l’école, il faut avoir une vision complète du sujet. La vie sociale et l’économie comptent tout autant. L’autorité politique prend donc les décisions à la lumière de tous ces enjeux, avec un éclairage scientifique, même s’il n’y aura jamais de consensus d’analyses ni de connaissance parfaite. Vous aurez un texte qui sera la traduction administrative de ce que vous réclamez, appuyé sur les éléments scientifiques. Quant à la question des personnels présents ou non, je suis le premier à indiquer que les personnels vulnérables ne viennent pas.
Pour le SNALC, Jean-Rémi Girard précise et insiste : nous ne nous contenterons pas d’une doctrine administrative qui s’appuierait sur des éléments scientifiques. On formule une exigence, ce n’est pas une simple demande. On réclame vraiment un avis écrit du conseil scientifique sur la question de la réouverture. Car si l’on met en place un conseil scientifique et qu’on le consulte sur les grands événements, comme par exemple précédemment sur la question de la tenue du premier tour des élections municipales, la réouverture des écoles doit a minima faire l’objet de sa saisine, ne serait-ce que vu le très grand nombre de personnes que cela implique. Notre responsabilité syndicale sera aussi de répondre à des collègues de plus en plus nombreux à nous interroger sur leur mise en danger et on ne pourra pas leur répondre de « faire confiance à la doctrine officielle ». Cette demande ne se limite pas au ministre de l’Éducation nationale, mais à toutes les autorités politiques : la société doit être éclairée sur ce choix-là.
Sur les autres questions, nous ferons des retours et contributions par écrit. Mais globalement les inquiétudes qui nous reviennent portent sur la capacité à reprendre, et les conditions de cette reprise progressive : qui, comment, quand, combien… Nos collègues affirment tous que les enfants ne sont pas en capacité, surtout en primaire, de respecter les gestes barrière. Chacun se pose aussi la question de l’utilisation de masques, de tests.
Sur l’accueil actuel des groupes d’élèves de 8 à 10, ou 5 en maternelle, : est-ce que ces nombres d’élèves ont vocation à être maintenus ? à évoluer ? le cas échéant pourquoi ?
Dans ce type de fonctionnement par groupes, comment fait-on école pédagogiquement parlant ? Difficile ici de répondre à la dimension sociale si l’on décide de prioriser sur des critères sociaux : ça concerne jusqu’à 90% des élèves dans certains établissements.
Actuellement, on a un accueil qui existe pour les enfants des soignants, légèrement élargi, avec des modalités globalement acceptées. On peut élargir à d’autres catégories de population : ça peut s’entendre. Mais si on prétend entrer dans le pédagogique, alors nous devrons « faire école » à tous les élèves – pas simultanément bien sûr – et pas seulement à destination d’une catégorie en particulier, en difficulté par ex., à l’exclusion des autres. En somme, soit on ré ouvre l’école pour enseigner à tous (pas en même temps dans la même salle), soit on fait un accueil, élargi, aménagé, mais il faut cesser de dire vouloir rattraper le retard creusé. Enfin, sur ce point, en termes de communication, le SNALC met en garde contre le fait de laisser penser qu’on va faire rentrer d’abord les élèves pauvres ou défavorisés… sous-entendu « histoire de les tester avant d’y envoyer les plus riches… ». Nous savons que le ministère n’a jamais dit ça mais beaucoup ont compris ce genre de choses. En communication, les bons sentiments peuvent très vite se retourner de façon inattendue.
Nous avons beaucoup d’autres questions sur le 1er degré, l’EPS, la gestion des élèves en situation de handicap (l’accueil nous semble impossible pour des élèves présentant des troubles psychiques sans accompagnement AESH ; beaucoup d’AESH ne voient pas comment accomplir leurs missions avec la distanciation et les gestes barrière), la prise en compte des pathologies des enseignants et les modalités de signalement et de reconnaissance de ces situations (idem pour les personnes non à risque mais vivant avec des personnes à risque), les internats, les transports scolaires, la restauration, la reprise pour les BTS et CPGE… autant de questions dont vous avez sans doute déjà été saisi.
Peut-on avoir des retours sur les taux de contamination des personnes ayant assuré l’accueil des enfants de soignants ? Certains collègues n’ont eu des masques que la semaine dernière.
Sur le pédagogique et l’éducatif, qui seront déterminés plus tard en fonction du reste, le SNALC réclame un cadrage ministériel le plus clair possible : on a des remontées d’enseignants qui ont des retours de chefs d’établissement organisant déjà des contrôles, des bacs blancs, etc. On sait que localement, on aura des interprétations et consignes pouvant aller jusqu’à des choses assez délirantes. Cf. situation mi-mars.
Le SNALC nuance la question des comparaisons internationales : pour nous, il faut réfléchir à situation similaire. Le Danemark n’est pas du tout dans la situation de la France, dont la courbe ressemble davantage à celle de l’Italie ou de l’Espagne.
Sur la question de l’image de l’EN, on l’a prise en compte dans notre communication. Mais s’il faut choisir entre image et sécurité des personnels, on choisira la sécurité.
Le ministre reprend pour réclamer les contributions écrites du SNALC au plus tôt afin de pouvoir influer sur la réflexion et les décisions. Il indique rester en dialogue permanent, y compris avec la DGRH.
La limite du nombre d’élèves selon les niveaux sera définie ces jours-ci.
Il y a une vraie complexité pédagogique pour l’organisation de mai-juin : nous sommes entièrement d’accord sur l’universalité de la mission de l’EN qui est d’accueillir tous les élèves. Pas tout le monde tout de suite, bien sûr. Les critères de différenciation pourraient être géographiques, pas par catégories sociales. Si ce n’est pas « comme d’habitude », ce ne sera pas non plus une « garderie sociale ». Notre mission reste éducative et pédagogique, en particulier pour les élèves de terminale qui devraient pouvoir faire des activités nourrissant le livret scolaire en vue du baccalauréat. En plus du protocole sanitaire, j’entends votre demande d’un cadrage pédagogique national, pour qu’il n’y ait pas de contresens sur les enjeux de mai et juin.
Sur les élèves de maternelle, à distinguer de l’élementaire dont classes prioritaires CP et CE1 (on se félicite des classes à 12 qui permettent le bon contexte pour l’apprentissage des fondamentaux), il est en effet difficile de faire respecter les gestes barrière.
Sur la prise en compte des pathologies des personnels, nous sommes d’accord.
Sur les CPGE : assez favorable au retour des élèves dans les lycées et les CPGE, avec des modalités particulières, à déterminer. Ces étudiants sont capables de respecter les consignes.
Sur le handicap, l’impératif est très fort, certaines familles sont en situation de détresse avec le confinement. On tiendra compte des AESH. On attend vos questions là-dessus.
Pour le SNALC, Jean-Rémi Girard conclut en annonçant des demandes à venir sur certaines questions de concours non résolues, la question des oraux, sur les personnels en situation de fragilité psychologique, et sur le devenir de certaines réformes entreprises, notamment la réforme des INSPE et la mise en place des référents AESH.
Une visioconférence est prévue la semaine prochaine avec la DGRH.