Une nouvelle proposition de la fameuse loi a été adoptée par le Sénat le 10 mars 2021. Ce texte devra néanmoins encore passer en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
A l’heure actuelle, cette version de loi – en l’état – ne répond toujours pas aux besoins réels et aux attentes des directeurs d’école. Et les modifications adoptées, par rapport à la version votée à l’Assemblée nationale le 24 juin 2020, sont loin d’être toutes réjouissantes car chaque mot a son importance.
L’article 1er et l’autorité
L’article 1er est certainement celui qui risque le plus de révolutionner notre école et son mode de fonctionnement.
Quand dans la version de mai 2020, le directeur était « délégataire de l’autorité académique » tout en n’étant pas « le supérieur hiérarchique de ses collègues », la version de mars 2021 lui maintient la délégation de l’autorité académique, supprime le passage mentionnant l’absence de supériorité hiérarchique et enfonce le clou en ajoutant une « autorité fonctionnelle ».
Pour le SNALC, même si cela n’accorde pas explicitement une autorité hiérarchique au directeur d‘école, retirer la mention de « l’absence de supériorité hiérarchique » ne peut qu’engendrer doutes et craintes.
« Il bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées. »
Le « bon fonctionnement de l’école », inscrit deux fois dans le même article, dans deux phrases qui se suivent, sera défini, à n’en pas douter, par des critères à respecter, inscrits dans les missions confiées au directeur d‘école. Quant à « l’autorité fonctionnelle », le SNALC peut déjà avancer qu’elle sera définie dans les futurs décrets d‘application. Ainsi le ministère pourra y mettre ce qu’il veut dedans.
C’est à se demander où est passée la demande d’autonomie décisionnelle des directeurs d’école ? Ou si autonomie et autorité n’ont pas été confondues… D’ailleurs, dans la circulaire du 25 août 2020 sur la direction d’école, il était fait mention « d’éventuelles délégations de compétences » des IEN aux directeurs, « afin de simplifier les processus de décision et de permettre à chaque acteur du système éducatif d’exercer les responsabilités au plus près des territoires, des élèves et de leurs familles. » Le SNALC ne manquera pas de le rappeler au ministère.
L’article 2 et les décharges
Cet article précise tout d’abord que « Les enseignants nommés à l’emploi de directeur d’école bénéficient d’une indemnité de direction spécifique ainsi que d’un avancement accéléré au sein de leur corps dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
Le SNALC ne peut que se réjouir de voir mentionné un avancement accéléré mais en ce qui concerne l’indemnité spécifique de direction, elle existe déjà et a été généreusement revalorisée de 37,50 euros par mois.
Il est par ailleurs indiqué qu’une « formation certifiante est nécessaire pour prendre la direction d’une école dont le directeur bénéficie d’une décharge complète d’enseignement. » Certains collègues directeurs en fin de carrière, légitimement fatigués par la classe, ne se réjouiront pas de devoir passer une certification pour obtenir une décharge totale. Et quid des directeurs d’écoles qui passeront en décharge totale suite à une ouverture de classe ? Qu’en sera-t-il des collègues adjoints appelés à assurer l’intérim en cas de maladie du directeur totalement déchargé ? Auront-ils plus de légitimité à refuser le remplacement, n’étant pas titulaires de la certification ?
Les décharges d’enseignement sont finalement grandes absentes de cette nouvelle proposition de loi.
Pour mémoire, dans la proposition de loi de mai 2020, il était stipulé : « Dans les écoles de huit classes et plus, le directeur n’est pas chargé de classe. ». Dans la version 2021, cela a disparu.
Par contre, une décharge supplémentaire conditionnée à des missions est encore bien inscrite, alors que les directeurs demandent moins de travail et plus de décharge pour gérer au mieux leur école. « Le directeur participe à l’encadrement du système éducatif. Lorsque sa mission de direction est à temps plein, il peut être chargé de missions de formation ou de coordination. Il peut en outre être chargé de missions d’enseignement dans l’école dont il a la direction lorsque sa mission n’est pas à temps plein. L’ensemble de ces missions est défini à la suite d’un dialogue tous les deux ans avec l’inspection académique ».
« Allègement des tâches » et « amélioration de conditions de travail » n’ont jamais été synonymes de « missions supplémentaires ». Là aussi, le SNALC se demande s’il n’y aurait pas eu confusion.
L’article 2 bis et l’aide administrative
La mention d’une éventuelle aide administrative est maintenue. Le SNALC s’opposait en 2020 à ce que celle-ci soit laissée au libre arbitre des municipalités pour éviter une certaine iniquité. Et dans la version 2021 de la loi, il est fait mention de l’Etat. « Lorsque la taille ou les spécificités de l’école le justifient, l’État met à la disposition des directeurs d’école les moyens permettant de garantir l’assistance administrative et matérielle de ces derniers. »
Ne nous emballons pas. Les directeurs sont plus qu’échaudés. Cela ne répond absolument pas à la demande exprimée par le SNALC de personnels administratifs qualifiés pour aider véritablement les directeurs.
Ce texte ne donne aucune précision, aucune garantie sur la « taille de l’école » ou « les spécificités » qui justifierait une « assistance ». Et quelle assistance d’ailleurs ? Il laisse la main au ministère pour en décider. Pour le SNALC, les besoins matériels et humains sont proportionnels au nombre de classes d’une école.
Des améliorations à reconsidérer
Dans l‘article 2, les APC perdent leur caractère obligatoire pour les directeurs et la formation continue substantielle réclamée par le SNALC devient une simple « offre » proposée aux directeurs obligatoirement tous les 5 ans.
Que sont devenus les 2 jours de formation par année scolaire instaurés par la circulaire du 25 août 2020 ? Là encore, il y a de quoi s’interroger.
Le directeur aurait désormais la possibilité de proposer des actions de formation : « Le directeur d’école pourra proposer à l’inspecteur de l’éducation nationale en prenant en compte les orientations de la politique nationale, après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école. » Pour le SNALC, il convient de clarifier : le directeur formulera un besoin de formation ou il pourra proposer une formation pour son équipe pédagogique qu’il animera lui-même ?
L’article 3 mentionne la création d’un ou plusieurs référents direction d’école dans chaque DSDEN. La version 2021 est venue ajouter « ou plusieurs référents », ce qui est une amélioration. Cependant, le SNALC regrette la possibilité d’un unique référent pour tout un département, qui ne peut répondre à la demande, aux besoins, aux urgences exprimées par les directeurs sur le terrain. Le SNALC réaffirmera la nécessité d’un référent par circonscription, donc de plusieurs référents.
L’article 5 quant à lui répond à une demande unanime : la possibilité de tenir les élections des représentants des parents d’élèves au conseil d’école par voie électronique.
Pour finir, l’article 6 répond, comme l’article 5, à une demande du SNALC : ne plus porter toute la responsabilité du PPMS. Dans le texte, « ce plan est établi et validé conjointement par l’autorité académique, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du bâtiment et les personnels compétents en matière de sûreté. Le directeur donne son avis et peut faire des suggestions de modifications au regard des spécificités de son école. Pour cela, il peut consulter les personnels compétents en matière de sécurité. Il assure la diffusion de ce plan auprès de la communauté éducative et le met en œuvre. Il organise les exercices nécessaires au contrôle de son efficacité. » Pour le SNALC, il était plus que temps que des personnels qualifiés participent à l’élaboration de ce PPMS.
Il faudra également que la présence des personnels compétents en matière de sécurité devienne obligatoire lors des exercices.
Comme nous l’indiquions en introduction, ce texte devra encore passer en seconde lecture à l’Assemblée nationale.
Il est loin de répondre à toutes les demandes des directeurs d’école. Des interrogations demeurent, l’autorité fonctionnelle reste floue, l’aide administrative dépendra de l’Etat, et donc de son budget et de son bon vouloir.
Pour la direction d’école, le chemin est encore pavé d’embûches avant d’apercevoir la sortie du tunnel.