La loi du 26/07/2019 pour une École de la Confiance a créé le Conseil d’évaluation de l’École. L’évaluation d’école devient donc une réalité malgré le rejet de la majorité des équipes enseignantes.
Ce dispositif d’abord expérimenté dans quelques écoles sera généralisé et obligatoire dès la rentrée 2022.
En ce sens, chaque année 20% des écoles feront l’objet d’une telle évaluation soit de façon individuelle soit par regroupements pour les petites écoles, l’idée étant d’évaluer l’école dans son ensemble et non les personnes qui la composent de façon individuelle.
Cette évaluation aura lieu tous les 5 ans. C’est « l’autorité académique [qui] établit annuellement la liste des écoles évaluées sur la base de critères explicités ».
Bien entendu l’objectif tout en bienveillance de ce processus n’est autre que de permettre, selon les dires de l’administration, une plus grande réussite des élèves. Mais sur quels critères ? N’est-il pas toutefois utopique de penser que celle-ci dépend uniquement de la modification des pratiques des enseignants?
Nous viendrait-il à l’idée de remettre en cause le fonctionnement d’un cabinet médical lorsqu’un patient n’est pas guéri d’une maladie ? Bien sûr que non… Il est tellement plus facile de mettre en cause le fonctionnement des enseignants plutôt que de leur faire confiance en leur donnant les moyens de travailler (baisser les effectifs, alléger la charge administrative, soutenir les enseignants pour éviter la fatigue qui vire de plus en plus à l’épuisement…)
Pour mieux comprendre, voici une explication du futur Tripadvisor des écoles:
Cette évaluation se fera en 2 étapes.
Première étape : l’auto-évaluation (8 à 12 semaines)
Première étape : l’auto-évaluation (8 à 12 semaines)
Il s’agit « d’analyser l’école dans sa globalité », et plus précisément de « mesurer les acquisitions des élèves et leurs résultats et les relier aux pratiques professionnelles, aux organisations retenues et aux choix opérés par l’école » ; mais aussi de « proposer collectivement des axes de développement à mettre en œuvre pour une amélioration ou une consolidation de la réussite des élèves et de la qualité de vie à l’école ».
L’auto-évaluation couvre le temps scolaire mais peut aussi concerner l’organisation des services périscolaires « en accord avec la commune ou l’intercommunalité compétente ».
Dans un premier temps, un portrait de l’école est fourni par les services statistiques académiques, et donne lieu à une analyse « du contexte externe et interne » de l’école. Une fois encore, l’école semble être analysée sous la seule lorgnette statistique. Mais sur quelles bases ? Les évaluations CP CE1 ? Les évaluations 6ème ? Va-t-on enfin prendre en compte le contexte socio-professionnel et économique dans lequel baigne l’école ? A titre d’exemple, va-t-on prendre en compte le nombre de jours où les élèves n’ont pu bénéficier d’une continuité pédagogique digne de ce nom à cause d’enseignants non remplacés ? Sans stigmatisation aucune, cette évaluation d’école va-t-elle prendre en compte le facteur humain, socio-culturel et économique dans lequel baigne les familles des écoles évaluées ?
Dans un deuxième temps, l’évaluation doit couvrir quatre grands domaines :
- Les apprentissages et les parcours/le suivi des élèves, l’enseignement ;
- Le bien-être des élèves et le climat scolaire ;
- Les acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’école ;
- L’école dans son environnement institutionnel et partenarial.
Un guide d’auto-évaluation propose un ensemble de questions évaluatives.
Par des parents et des élèves prêts à noter les enseignants en fonction non pas de critères objectifs mais de ressentis et de feelings subjectifs ?
« L’organisation de l’auto-évaluation est conduite au niveau de chaque école par son directeur ». L’auto-évaluation est « totalement participative », elle mobilise l’ensemble des « acteurs : directrice-directeur, personnels de l’État et de la collectivité, élèves, parents, autorités de rattachement, partenaires. »
Ce guide va-t-il prendre la forme et ou se transformer en grille d’évaluation des enseignants par un directeur devenu finalement supérieur hiérarchique ? Par des parents et des élèves prêts à noter les enseignants en fonction non pas de critères objectifs mais de ressentis et de feelings subjectifs ? …. On peut légitimement se poser la question au regard du traitement que subisse les enseignants depuis des années !
Cette phase ne comprendra pas la présence d’évaluateurs mais peut être accompagnée. Là aussi, n’est-on pas en pleine hypocrisie ? En pratique, nous avons pu constater que les soi-disant accompagnements pouvaient trop souvent aboutir sur de véritables inspections d’enseignants, histoire de trouver dans les enseignants d’une école des coupables et boucs émissaires faciles à tous les maux de celle-ci sans se poser les véritables questions afin de trouver des solutions pérennes !
A la fin, un rapport d’auto-évaluation sera envoyé à une commission indépendante.
Seconde étape : l’évaluation externe (l’année suivante)
Elle s’appuie sur l’auto-évaluation. L’évaluation externe est « une aide apportée à chaque école, dans sa singularité », en identifiant notamment des leviers de progrès.
L’évaluation externe comporte trois étapes :
- La préparation de la mission ;
- La visite dans l’école ;
- La rédaction du rapport provisoire, l’échange à l’occasion de la restitution du rapport dans l’école (l’école dispose de 15 jours pour faire part de ses observations écrites), puis la rédaction du rapport définitif.
Une équipe d’évaluateurs externes est « composée de trois ou quatre évaluateurs et comporte au moins un inspecteur du 1er degré et un directeur d’école », qui signent tous une « charte de déontologie ».
On craint le pire ! Une nouvelle charte ! A chaque fois que nous avons un problème profond, notre administration sort l’artillerie lourde de la charte non pas pour résoudre ces problèmes ou tout au moins les prendre à bras le corps, mais pour mettre la poussière sous le tapis !
Une évaluation d’école dans un torrent d’hypocrisie bienveillante !
Ce personnel est désigné par le DASEN.
Cette commission fera passer des entretiens dans l’école. Loi de la confiance ? Ne baigne-t-on pas là encore en pleine hypocrisie ?
Des questionnaires seront proposés aux parents d’élèves. En quoi interroger les parents permettra une meilleure réussite des élèves ? Allons-nous vers une classification des écoles en fonction des résultats donnés par les parents ?
Un rapport final rédigé par la commission aboutira à la mise en place d’un nouveau projet d’école qui sera évalué à nouveau 5 ans plus tard.
Nous voyons donc bien que cette évaluation d’école n’a rien de bienveillant. Il ne suffit pas d’appeler la loi qui l’instaure, loi de la « Confiance », pour faire penser aux enseignants que la confiance règne.
En effet, les enseignants ont déjà lors de la crise sanitaire notamment, démontré qu’ils sont mobilisés pour la réussite de leurs élèves. Et ce, malgré des conditions de travail qui se compliquent un peu plus chaque jour. Voilà en guise de confiance, de remerciements, de gratitude, la réponse de notre administration à tous nos maux et états d’âme : une évaluation d’école dans un torrent d’hypocrisie bienveillante !