LA LOI DE 1905
Alors que dans un grand nombre d’États, le chef de l’exécutif a également une fonction religieuse, La laïcité est une exception française liée à un contexte historique précis : la décision des Républicains dont le pouvoir est définitivement confirmé en 1879 par la démission du président royaliste Mac-Mahon, d’enlever toute influence politique à l’Eglise catholique jugée trop proche des monarchistes. Cette volonté politique sera à l’origine de la loi du 9 décembre 1905.
Cette dernière qui régit toujours la laïcité en France confirme dans son article 1er la liberté de conscience et le libre exercice des cultes : «La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.» Selon l’article 2: «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » La loi de 1905, séparant les cultes et la République, instaure ainsi, en matière de religion, un régime libéral. Selon son rapporteur, Aristide Briand, «toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. […] Le principe de la liberté de conscience et du libre exercice du culte domine toute la loi».
L’affirmation de la France comme «République laïque», séparée des cultes, est seulement constitutionnalisée par la Constitution de 1946. Elle est reprise par la Constitution de 1958 : «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.» (article 1er de la Constitution de 1958).
UNE PRÉTENDUE , NOUVELLE LAÏCITÉ
Selon le sociologue et historien de la laïcité Jean Baubérot, l’année 2003 constituerait un tournant dans la conception de la laïcité. C’est en effet en 2003 que François Baroin rend un rapport commandé par le premier ministre Jean-Pierre Raffarin et intitulé «Pour une nouvelle laïcité». Selon lui cette «nouvelle laïcité» opérerait un transfert du principe de laïcité et de l’exigence de neutralité, de l’État vers la société civile, et des agents du service public vers les usagers de l’espace public. Les partisans de la «nouvelle laïcité» associeraient ainsi la laïcité à la «sécularisation» de la société.
Cette logique de spatialisation de la «nouvelle laïcité», et l’extension corrélative de l’exigence de neutralité aux membres de la société civile, s’illustrerait tout particulièrement dans le rapport de la Commission Stasi (que Jean Baubérot est le seul à ne pas avoir signé) et dans les rapports parlementaires qui précèdent l’adoption en 2004 de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises et dans la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public de 2010.
La logique de cantonnement du religieux dans le domaine de «l’intime» (par opposition à «l’espace public»), prônée par les partisans de la «nouvelle laïcité», est, selon certains, reprise par le président François Hollande lors du discours d’installation de l’Observatoire de la laïcité. A cette occasion il affirme : «les lignes de séparation entre secteur public et secteur privé ont évolué. Il y a donc une nécessité de clarification. En 1905 la laïcité était simplement la séparation de l’État et des cultes. Aujourd’hui, elle est une frontière entre ce qui relève de l’intime, qui doit être protégé, et ce qui appartient à la sphère publique qui doit être préservé. Et comme toute frontière, il n’est pas toujours aisé de la tracer».