LAÏCITÉ ET ENSEIGNEMENT: UN EXEMPLE DES DIFFICULTÉS D’APPLICATION CONCRÈTE DE LA LAÏCITÉ
La laïcité au sein de l’école vise à garantir la liberté de conscience des élèves ainsi qu’un climat serein pour la formation des futurs citoyens à l’abri des pressions de toutes natures, philosophiques, religieuses, partisanes ou communautaristes. Dans cet esprit, des limitations à la liberté d’expression ont été imposées aux élèves. Sous diverses appellations (affaire du voile, du voile islamique, du foulard, etc.), un débat portant sur la question du port du voile islamique dans les écoles est né en France au milieu des années 1980. Les partisans du port du voile — certains musulmans ainsi que des défenseurs des libertés individuelles — invoquent à travers la laïcité la liberté de conscience, principe de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Ceux qui prônent la neutralité de la tenue des élèves en appellent eux aussi à la laïcité, voyant en elle le caractère de neutralité et d’égalité indispensable selon eux à éducation. Ce débat s’est finalement conclu par le vote d’une loi le 15 mars 2004 qui interdit les signes «manifestant ostensiblement une appartenance religieuse», dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire. Cette loi ne s’applique qu’aux établissements publics et ne concerne pas les établissements privés, qui sont libres d’autoriser le port de signes religieux ostensibles. Depuis le 9 septembre 2013, à la demande du Ministre Vincent Peillon, une charte de la laïcité en 15 articles a été affichée dans toutes les écoles publiques en France.
En vertu du principe de neutralité du service public de l’enseignement, corollaire du principe de laïcité, les personnels de l’enseignement public n’ont pas le droit, dans le cadre de leur mission, de manifester de façon ostensible leurs croyances religieuses. Ce principe ne fait pas de distinction entre les agents du service public selon qu’ils sont ou non chargés de fonctions d’enseignement. Les parents d’élèves, en tant qu’usagers d’un service public, sont libres quant à eux d’arborer la tenue qu’ils souhaitent dans l’enceinte de l’établissement (lorsqu’ils viennent chercher leur enfant par exemple), dans les limites inhérentes au bon fonctionnement du service public, et à condition de ne pas troubler l’ordre public.
On a voulu étendre la règle qui s’applique aux personnels de l’enseignement public aux parents ayant une mission bénévole ponctuelle dans le cadre scolaire; la frontière est encore floue. Dans son étude du 19 décembre 2013, le Conseil d’État a confirmé que les parents accompagnateurs de sorties scolaires n’étaient pas soumis au principe de neutralité : «l’emploi par diverses sources et pour des finalités diverses, de la notion de “collaborateur”, “collaborateur occasionnel” ou “participant” ne dessine pas une catégorie juridique dont les membres seraient, entre autres, soumis à l’exigence de neutralité religieuse. » Il précise cependant que ces parents peuvent voir leur liberté de manifester leurs opinions religieuses limitée lorsqu’il y a une atteinte à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service.
Pour la loi de 1905, la laïcité n’est pas par ailleurs synonyme d’anticléricalisme ou d’indifférence de l’État. Elle prévoit en effet l’existence d’aumôneries et la prise en charge par l’État et les collectivités locales des crédits nécessaires pour «assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons» (article 2). Les fêtes religieuses prévues par le calendrier scolaire sont également le reflet de la tradition historique catholique en France. La proposition de la commission Stasi d’ajouter à la liste des jours fériés Yom Kippour et l’Aïd el-Kebir n’a pas été retenue, mais la possibilité d’accorder de façon ponctuelle des autorisations d’absence est admise. Les textes précisent que ces autorisations peuvent être accordées «aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au Bulletin officiel».