Aujourd’hui, se référer à ORWELL pour analyser la communication politique se situe quelque part entre le cliché et l’évidence. On privilégie l’efficacité médiatique.
Que les contenus réels soient parfois très éloignés des mots employés va de soi. «La guerre, c’est la paix». «L’ignorance, c’est la force»… Une perte de pouvoir d’achat, c’est une revalorisation. Une fusion d’académies, c’est de la « proximité». La bienveillance, c’est la malveillance. Bref : la méfiance, c’est la confiance.
Mous n’avons certes pas attendu Jean-Michel BLANQUER pour voir le ministère de l’Éducation nationale se transformer en ministère de la communication. Mais il faut avouer qu’on a franchi un cap depuis son arrivée. Ainsi, on n’a pas hésité l’an dernier à auditionner les syndicats représentatifs pour préparer le dossier de presse de la réforme de la voie professionnelle. Aucun projet de texte n’a été soumis à l’époque : juste de la com’. Les textes arrivent après.
C’est qu’il faut être connecté 24h/24 pour suivre les nouveautés de la politique éducative. Une visite, une annonce. Une radio, une nouveauté. Nous commençons à nous demander si nous sommes les seuls à découvrir la politique menée au fil des interventions médiatiques, et si les services du ministère eux-mêmes ne se retrouvent pas, parfois, dans une totale improvisation.
Un exemple parmi d’autres : la demi-heure d’art oratoire en troisième. Une belle annonce, interministérielle, vive les vertus du théâtre, vive la culture. À l’arrivée ? Rien. Aucune mise en place à la rentrée prochaine. Le ministre a tout simplement menti. Mais, ce n’est pas grave : on envisage déjà de faire commencer les cours plus tard ! Et de mettre du sport l’après-midi ! Il n’y aura donc plus de temps pour faire cours, mais on s’en moque : la com’ est belle. Ça débat, ça discute, ça occupe le terrain. On voit très bien que l’objectif non avoué, c’est de réduire les vacances, mais la communication passe mieux quand on parle de sport.
À l’arrivée, nous sommes noyés dans un flot de discours et de réformes, à tel point qu’il est difficile de suivre. Ça peut passer pour du volontarisme. Ça peut aussi très vite ressembler à une façon de déguiser la politique menée. C’est bien beau de communiquer sur « les savoirs fondamentaux», mais moins quand le résultat est la fusion du primaire et du collège. Les savoirs fondamentaux sont juste là pour renforcer l’image républicaine du ministre. Mais l’objet réel, c’est l’école du socle, c’est la vieille lune du corps unique. C’est le cycle CM1-CM2-6e poussé à son extrême. C’est la même politique avec un masque d’Arlequin : on parle uniforme, on poursuit l’autonomie. On parle de 120 parcours au lycée : on ne donne pas les heures pour. On parle savoirs fondamentaux et on recule la place du concours pour le rendre encore moins centré sur la maîtrise des savoirs disciplinaires.
Les adhérents du SNALC le disent majoritairement, enquête à l’appui : cette politique pose de sérieux problèmes. On ne peut pas imposer des heures supplémentaires mal payées en faisant passer ça pour une mesure salariale. On ne peut pas parler de «protocole d’accompagnement» des collègues de gestion administration quand il s’agit de leur appliquer le cas général, c’est à dire, essentiellement de la carte scolaire. On ne peut pas vanter l’inclusion en mettant en place les PIAL, pôles qui servent à réduire les coûts au prix d’une dégradation des conditions de travail des AESH et du suivi des élèves.
Il faut arrêter de mentir aux gens. Parce que ça les épuise et que ça les décourage. Parce qu’ils ne croient plus en rien après. Et parce qu’on n’a jamais obtenu la confiance de qui que ce soit en montrant qu’on le prenait pour une buse.
Jean-Rémi GIRARD