Le gouvernement envisageait déjà une départementalisation de la médecine scolaire avec le projet de loi « 3D » en janvier 2020. Jacqueline GOURAULT, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales y ajoute un autre « D », celui de la « décomplexification », les trois autres étant la « décentralisation », la « déconcentration » et la « différenciation ». Elle l’exprima ainsi au Sénat le 17 décembre 2020 : « Nous allons décentraliser la médecine scolaire afin de créer un service de santé infantile aux départements ».
Les changements sont motivés par le besoin de pallier certaines carences et de réparer les fractures du territoire. La santé scolaire fait intervenir des acteurs de secteurs différents (Éducation nationale, région, département…). Ils agissent ou interagissent sur leur logistique et sur leur infrastructure numérique propre. Cela crée des données difficiles à comparer et des inégalités de territoire.
De plus, le besoin en personnel médical en milieu scolaire est pointé depuis longtemps par son manque d’attractivité. Si un balbutiement de réponse est apporté par la création d’une surspécialité du cursus universitaire de la formation des médecins généralistes, il est à noter qu’un bon nombre de médecins scolaires vont partir à la retraite dans les deux décennies à venir alors que très peu se présentent au concours de l’éducation nationale.
André Barbé, magistrat à la Cour des comptes, propose une tout autre solution que celle émise par le gouvernement. Il s’agirait de la création d’un service de pilotage par chaque DASEN pour un surcoût national de trois millions seulement. Il insiste sur le fait que « la spécificité de la santé scolaire est à préserver » et il argumente également en précisant que « la santé scolaire n’est pas soluble dans l’activité des PMI ». Si en janvier 2020, Édouard Philippe justifiait ce transfert par « un atout de territorialité, une coordination des acteurs internes et une cohérence avec les responsabilités des départements en matière de protection maternelle et infantile », ces trois points pourraient en grande partie être remplis avec la solution émise par André Barbé. Il est à noter que de nombreux partenariats et conventions sont déjà passées entre différents secteurs et le plus souvent entre de grandes villes et l’éducation nationale pour assurer les missions de la médecine scolaire par le biais des SMSS (Service Municipal de Santé Scolaire). Les subventions allouées aux DASEN à cet effet sont alors reversées aux communes. Cependant, pour assurer correctement la prise en charge demandée, celles-ci sont obligées d’ajouter de leurs deniers propres. Sur les autres parties du territoire, les missions ne sont que peu voire non remplies quand ces conventions sont inexistantes.
Mais alors pourquoi ne pas tout simplement améliorer le pilotage et mieux investir cette désertification médicale scolaire par une meilleure attractivité ? Nous ne sommes pas dupes, ce transfert, sous couvert d’une organisation mieux établie, n’est en réalité qu’une simple économie de coûts réalisée sur le dos des départements et des régions. On pourra noter que ce transfert fait écho à celui de la disparition programmée des REP dont la cogestion serait rectorale et régionale. L’Éducation « nationale » laisse une place de plus en plus grande à une Éducation « territoriale » et le SNALC y est opposé.
Ce sont tout de même 800 médecins et 8000 infirmières qui seraient impactés par cette transformation. Il s’agit aussi d’améliorer la couverture qui est actuellement de 13 000 élèves en moyenne par médecin scolaire. Avec des effectifs d’élèves en situation de handicap ayant triplé depuis 2006 (Cf rapport émis par E. Woerth en 2019 pour la Cour des Comptes) et des PAI de plus en plus nombreux, il reste crucial de revoir le fonctionnement de cette médecine scolaire. Mais cela ne doit pas se faire par une décentralisation qu’elle soit statutaire ou d’autorité fonctionnelle. Les personnels concernés ne le désirent aucunement.
L’avant-projet de loi devrait être transmis prochainement au Conseil d’État et aux instances de consultation obligatoire. Le projet de loi devrait être présenté en conseil des ministres début février et examiné en première lecture au Sénat au premier semestre 2021.
Pour le SNALC, il est de notre devoir de suivre de près ce projet car il est des territoires où les élèves ne voient aucun médecin, aucune infirmière. Par son dépistage et sa prévention, la médecine scolaire permet d’agir au plus tôt pour éduquer parents et enfants mais aussi pour aider à dépister des problèmes de santé qui pourraient nuire aux apprentissages, aider à détecter maltraitance et carences éducatives… Elle peut être l’étayage premier des PE dans un signalement ou des manquements éducationnels. La médecine scolaire, c’est aussi des PAI à jour dès chaque rentrée scolaire. Décharger ces missions aux départements, c’est devoir traiter avec de nouveaux partenaires autres que ceux de l’Éducation nationale sans pouvoir faire intervenir notre hiérarchie.