Dédoublement de classes : poudre aux yeux ou résultats avérés ?

Jean-Michel Blanquer a fait du dédoublement des classes de GS, CP et CE1 son cheval de bataille médiatique, vantant les mérites d’un tel dispositif mobilisant 10 800 professeurs des écoles et oubliant de dire que pour y arriver, il a fallu faire des coupes franches dans d’autres secteurs. Le jeu en valait-il la chandelle ?

Puisque je vous dis que ça marche !

Notre Ministre est autant dithyrambique qu’intarissable sur le sujet du dédoublement des classes de GS, CP et CE1 en éducation prioritaire. « Le dédoublement, c’est la locomotive de toute mon action dans ce ministère. » Cette mesure phare vise à rétablir une forme de justice sociale en réduisant les inégalités scolaires, mettant fin à un certain déterminisme. Il faut dire que le Ministre a répondu à une certaine pression extérieure : les études internationales vont d’une part dans le sens des classes à effectifs réduits pour obtenir des résultats et d’autre part dans le constat que tout se joue très tôt dans la scolarité. A ce jour, 380 000 élèves, soit 20% des élèves concernés, bénéficient du dispositif au sein de 1 050 écoles REP et REP+. Résultat : classes sereines et enseignants « sur un petit nuage ».

Mais les résultats sont-ils à la hauteur ? Jean-Michel Blanquer affirme que l’écart entre les élèves en REP et ceux hors REP est tombé de onze à sept points en fluidité de lecture, réduit donc de 36% : « C’est un résultat extraordinaire. Je peux partir fier du travail accompli », lance notre Ministre, même s’il reconnaît que « le confinement de 2020 a retardé les avancées, qui sont encore hétérogènes. »

Une réalité en demi-teinte

La DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) a publié en septembre 2021 les résultats de son étude. Les « 100% de réussite en CP » visés par le Ministre ne sont plus qu’un lointain souvenir puisque la réduction des écarts ne serait que de 14% en mathématiques et de 9% en français. Le gain est qualifié de « très faible » par l’étude de la DEPP pour les élèves jugés performants au sein de ces classes et bénéficierait surtout aux élèves les plus en difficulté. L’étude précise que « l’impact positif de la réduction de la taille des classes en REP+ est surtout visible en CP. En CE1, il ne semble pas y avoir d’effets supplémentaires. » Les élèves issus de l’éducation prioritaire n’ont donc pas rattrapé les élèves hors du dispositif. En outre, les résultats sont deux fois moins importants que ce qui se concrétise avec plus de succès dans les autres pays ayant adopté de tels dispositifs.

Pour le SNALC, bien que bénéfique à certains élèves, le dédoublement de classe ne peut pas faire oublier le manque cruel de RASED dont l’Éducation nationale souffre depuis des années et qu’aucun ministre n’a fait mine de combler. Ainsi, il n’y a pas assez de spécialistes pour aider les élèves les plus en difficulté et pour apporter leur expertise aux équipes pédagogiques qui en ont besoin.

Et le reste des élèves ?

Car oui, il y a des oubliés de la politique ministérielle. Les efforts se sont concentrés sur l’éducation prioritaire labélisée REP et REP+ alors que 70% des enfants défavorisés sont scolarisés hors des réseaux prioritaires. Des oubliés aux besoins pourtant bien concrets. Pour ceux-là, rien ne sera fait afin de lutter contre les inégalités.

Et les élèves du milieu de la courbe, que l’on pourrait hisser vers l’excellence ? Et les très bons élèves, capables avec un peu d’aide de côtoyer les sommets ? Pour eux, rien. Le dispositif de notre Ministre touche donc seulement 20% des élèves français. Pas de quoi s’en vanter…

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