Direction d’école : quand la politique s’en mêle au plus haut niveau de l’État

L’annonce d’Emmanuel Macron sur la possibilité offerte à quelques directeurs d’école de pouvoir recruter leur propre équipe d’enseignants a surpris et choqué toute la communauté éducative et particulièrement le SNALC. Mais à quelques jours du retour de la proposition de loi RILHAC à l’Assemblée nationale, cette annonce est-elle vraiment si surprenante ? Pour mieux comprendre, il convient d’effectuer un retour en arrière.

Toujours plus de tâches (pour plus d’économies…)

Depuis 50 ans, les tâches se sont additionnées, aucune réelle mesure n’a été prise pour les alléger. La simplification administrative pourtant vantée par de nombreux ministres n’est plus qu’un vœu pieux que l’informatique n’a absolument pas résolu, bien au contraire.

Eté 2017, le nouveau gouvernement fraîchement élu décide de supprimer les aides administratives des écoles au motif non avoué mais pourtant clair : faire des économies budgétaires.

Ces personnels rendaient pourtant de grands services aux directeurs, surtout dans la gestion du quotidien. Rappelons que les directeurs font face à des responsabilités croissantes et à de multiples missions : organisation et animation des réunions ; intégration et suivi des stagiaires ; suivi des enfants en difficultés (PPRE, PAP, PPS etc.) ; répartition des moyens d’enseignements ; veiller à la sécurité ; discussion avec les différents partenaires de l’école ; enseigner ! La très grande majorité des directeurs ne sont pas déchargés et pourtant la liste de leurs missions est encore beaucoup trop longue.

La loi RILHAC et ses méandres

Été 2019, lors de la présentation du projet de loi du ministre « l’école de la confiance », un amendement très controversé fut porté par la députée Cécile RILHAC, qui souhaitait la création des « établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux » afin de déléguer l’autorité administrative de l’école vers le collège. Cet amendement, après avoir été adopté, n’a finalement n’a pas été retenu suite à la commission mixte parlementaire.

Mai 2020, alors que les esprits sont tournés vers le COVID et le premier confinement, la députée RILHAC présente un projet de loi indiquant que le directeur peut disposer « d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées. »

Le 2 septembre 2021, précisément le soir-même du jour de la rentrée des classes, le chef de l’État introduit sans préliminaire la possibilité donnée à une cinquantaine de directeurs d’écoles de Marseille de choisir les enseignants de leur équipe pédagogique. Ce pouvoir hiérarchique entrerait en vigueur à la rentrée 2022. Les écoles et les collègues concernés avaient-ils besoin de cela, de surcroît en pleine pandémie ? Comment ne pas y voir un lien avec la loi RILHAC de retour sur le devant de la scène fin septembre 2021 à l’Assemblée nationale ?

Un signal grave pour le SNALC

Alors même que la loi RILHAC est réexaminée ces jours-ci à l’Assemblée nationale, l’annonce du Président de la République ne fait que conforter les craintes du SNALC : la volonté de politique managériale qui tend au remplacement des directeurs d’école par des managers ne laisse plus aucun doute.

Cela ne répond aucunement aux attentes des personnels enseignants. Pour les directeurs, cette loi n’allègera en rien leur quotidien. Au contraire, ceux-ci se verront dotés de missions supplémentaires et perdront en relationnel avec leurs adjoints ce qu’ils gagneront (peut-être…) en autorité. Dans les écoles, le directeur deviendra un « ancien collègue » qui aura pleins pouvoirs sur la liberté pédagogique, voire la carrière de ses adjoints.

Cette politique – et ce qui se dessine de façon de moins en moins insidieuse – est alarmante. En effet, comment ne pas penser aux dérives possibles d’ici quelques temps ? Rappelons que le chef de l’État a bien parlé d’expérimentation. Or si cette expérimentation porte ses fruits, comment ne pas craindre, à l’avenir, la généralisation de ce système avec des enseignants qui candidateraient sur des postes, et qui seraient donc recrutés ou « virés » localement par des directeurs ayant une autorité dite « fonctionnelle » ? Aucun barème. Aucune équité. Un système néo-libéral à l’américaine.

Le SNALC s’oppose à cette vision de l’école.

Le SNALC réclame sans relâche : des décharges de direction, une vraie revalorisation de la fonction, la mise en place d’aides humaines et un accompagnement et un soutien hiérarchique véritables. Des éléments pourtant simples à mettre en œuvre qui ne nécessitent aucune loi, juste des moyens pour une réelle amélioration des conditions de travail des directeurs. La loi RILHAC n’apportera rien de tout cela. Quand on sait qu’une majorité des enseignants n’est pas favorable à un maillon hiérarchique supplémentaire au sein de l’école, on est en droit de se poser la question de ce qui motive un tel acharnement du ministère.

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