Fusions : reculer pour mieux sauter dans le vide ?

Le 9 mai 2018, le rapport de l’Inspection générale recommandant de passer à 13 académies était présenté aux syndicats représentatifs, dont le SNALC. Si la fusion totale n’a pas eu lieu — sauf en Normandie — les intentions demeurent intactes.

On ne peut pas dire à l’époque que le ministère ait avancé masqué. Il suffisait d’écouter le rapporteur pour bien comprendre que le projet de fusion était ficelé et prêt à la mise en œuvre. L’expérimentation (catastrophique) de Caen et Rouen ? «On reste encore sur 2 académies». Les régions académiques ? «On n’a plus beaucoup de choses à en attendre». Et puis, de toute façon, «la proximité, ce n’est pas forcément un rectorat près des gens». Le rapporteur était catégorique : pour Bourgogne-Franche-Comté, Hauts de France, PACA et Normandie, « L’évolution vers la fusion et vers une académie unique ne devrait pas poser de difficulté». L’analyse du SNALC et des personnels concernés sur la Normandie est quelque peu différente…

Le rapporteur allait même plus loin, posant la question des concours à recrutement académique, arguant que la fusion ne pouvait plus attendre, ou encore qu’un préfet ne pouvait décemment pas travailler avec deux ou trois recteurs différents, le pauvre. Heureusement qu’on pense en priorité aux difficultés d’« interlocution » des préfets, et tant pis pour les personnels de l’Éducation nationale, qui ne viennent qu’après.

On sait ce qu’il est advenu de ce rapport. Face à la mobilisation des personnels, accompagnés par le SNALC, mais aussi face aux élus locaux (souvenons-nous de la visite du ministre à Limoges en janvier 2019), l’administration a reculé. Soyons précis : en fait, elle n’a avancé que de deux pas là où elle prévoyait d’avancer de trois. Renonçant pour le moment à la fusions généralisée, elle a néanmoins retenu, comme le disait poétiquement le rapporteur, qu’on avait «un sens de l’Histoire qui n’est pas dans le statu quo».

C’est ainsi que les Recteurs de Régions Académiques se voient depuis le 1er janvier conférer tout un tas de nouvelles compétences (voir ci-dessous), et l’assistance d’un Secrétaire Général de Région Académique. Ils ont désormais autorité sur les recteurs d’académies. Autant dire que ce n’est qu’une question de temps avant qu’on nous ressorte un rapport sur la nécessité de fusionner tout ça, car ce serait le sens de l’Histoire. Il suffira même de reprendre le rapport de 2019 et de changer la date.

RECTEURS : UNE SÉPARATION DES POUVOIRS PEU DANS L’ESPRIT DE MONTESQUIEU
Le Recteur de Région Académique (RRA) exerce désormais les compétences suivantes (décret n°2019- 1200) :
Définition du schéma prévisionnel des formations des établissements publics d’enseignement du second degré ;
Formation professionnelle et apprentissage ;
Enseignement supérieur,
recherche et innovation, à l’exception de la gestion des personnels;
Information, orientation et lutte contre le décrochage scolaire (sauf procédures d’orientation et d’affectation des élèves du second degré) ;
Service public du numérique éducatif;
Utilisation des fonds européens, certains contrats, politiques des achats et immobilière de l’État, relations européennes et internationales.

À noter que le SNALC est parvenu à faire supprimer l’éducation artistique et culturelle de cette liste en comité technique.

Il crée les services régionaux correspondants. Le recteur d’académie conserve les autres compétences, mais est désormais sous l’autorité du recteur de région académique.

Enfin, une disposition hallucinante (article R. 222-24-6) permet tout simplement au RRA de créer, après consultation, des services régionaux sur des questions ne relevant pas de ses attributions. S’il le fait, il exerce alors les compétences du recteur d’académie à la place de ce dernier. Cet article, dont le SNALC a demandé sans succès la suppression, permet tout simplement de réaliser la fusion des académies si le RRA la souhaite. Oui, vous avez bien lu. Le texte où le ministère est supposé garantir que la fusion n’aura pas lieu permet de fusionner de facto.

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