Notre institution n’a pas attendu le vote de la loi Rilhac pour commencer à déléguer aux directeurs et directrices d’école des tâches qui ne relèvent ni de leurs compétences ni de leurs missions premières. L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap a toujours été délicat, si ce n’est problématique, et ce, à plusieurs titres. La création des PIAL, sous couvert d’un meilleur accompagnement des élèves, a été l’occasion de déléguer au fil du temps, mais somme toute assez rapidement, la gestion des AESH à des directeurs d’école portant le titre de « coordonnateurs PIAL ».
Le directeur coordonnateur PIAL de la circulaire du 5 juin 2019
Prétextant une fois de plus une meilleure gestion des moyens, une plus grande flexibilité et une plus grande réactivité face au nombre croissant d’enfants en situation de handicap, le ministère crée les PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Personnalisés) à travers la loi pour une école de la confiance, promulguée le 28 juillet 2019.
Deux modes d’organisation des PIAL sont alors déjà indiqués dans la circulaire de rentrée École inclusive du 5 juin 2019 :
- Le PIAL 2nd degré : piloté par le chef d’établissement avec, si besoin, l’appui d’un chargé de mission (le coordonnateur), désigné par ses soins et rémunéré en Indemnités pour Mission Particulière (IMP).
- Le PIAL 1er degré : piloté par l’IEN, qui peut déléguer cette responsabilité à l’un des directeurs d’école de sa circonscription. « Ce directeur d’école bénéficie d’un quart de décharge pour remplir cette mission de coordonnateur.»
La circulaire est donc claire, il faut engager des moyens financiers et humains (et donc financiers…). Mais, comme (trop) souvent, le paradigme de la constance des moyens, voire de la création d’économies, vient nuire à l’application des textes.
Le directeur coordonnateur du Vademecum PIAL
« Dans le premier degré, le coordonnateur de PIAL est un directeur d’école qui peut être déchargé d’un quart de temps ou bénéficier d’indemnités pour mission particulière (IMP) quand le nombre d’élèves suivis est réduit. (…) Il est recruté pour ses compétences organisationnelles et relationnelles sur la base du volontariat. »
Le quart de décharge envisagé ne fut hélas – et n’est toujours pas – forcément l’option la plus retenue. Et pour ce qui est du nombre d’élèves suivis, on est plus aujourd’hui sur le nombre d’AESH à gérer.
Le SNALC ne s’étalera pas sur « la base du volontariat » quand nous savons à quel point les IEN peuvent être persuasifs (« l’Institution a besoin de vous », « il n’y a que vous qui puissiez accomplir cette mission », etc.) ou injonctifs (« Vous serez coordonnateur PIAL l’an prochain »).
Comment faire pour appliquer la circulaire École inclusive SANS dépenser plus qu’auparavant, et pourquoi pas, en dépensant moins ? La réponse se trouve dans la circulaire des personnels contractuels du 5 juin 2019 « Cadre de gestion des personnels AESH » et dans le Vademecum du PIAL, dans lesquels est mentionné le PIAL inter-degrés.
Prétextant que les AESH sont souvent « à cheval » entre le collège et les écoles attenantes, il devient alors nécessaire de créer une structure permettant de piloter ce chevauchement : le PIAL inter-degrés. Le pilotage du PIAL n’est donc plus clairement défini et devient « bicéphale » : l’IEN et le chef d’établissement.
Le directeur coordonnateur PIAL sur le terrain en 2021
Ce manque de clarté dans le pilotage introduit une ambiguïté dans la désignation du coordonnateur et surtout dans sa compensation en heures de décharge ou en indemnités. En effet, le DASEN désigne un chef d’établissement comme pilote du PIAL de secteur. Celui-ci contacte l’IEN de circonscription afin que ce dernier recrute un coordonnateur-PIAL qui travaillera en collaboration avec le collège. On peut ainsi contourner la circulaire et rémunérer un directeur en IMP et non plus en décharge comme stipulé dans les textes. Il existe même différents taux applicables selon le nombre d’AESH gérées par le coordonnateur.
Concrètement sur le terrain, il est facile de constater que c’est un peu chacun sa règle selon les départements. Des directeurs coordonnent des PIAL inter-degrés, certains mêlant établissements privés et publics, certains gèrent des « petits PIAL » de 8 à 10 AESH par exemple quand d’autres bénéficient d’un quart de décharge mais gèrent un nombre pharamineux d’AESH, qu’ils doivent aussi parfois recruter.
Les disparités territoriales sont légion mais au final, la charge de travail peut s’avérer énorme et la compensation bien maigre au regard de l’investissement requis par les directeurs et directrices d’école.
Des directeurs envisagent d’ailleurs de ne pas reprendre cette responsabilité trop « chère payée » l’an prochain.
Le SNALC dénonce que des DASEN se soient retrouvés contraints de faire le choix de l’IMP plutôt que du temps de décharge. Pour le SNALC, les directeurs coordonnateurs devraient bénéficier de compensations financières d’une part, mais également de temps de décharge au regard de cette tâche. Pour autant, le SNALC ne s’étonne plus que les belles annonces ministérielles ne soient pas suivies d’actes concrets. Ces annonces de façades mettent à mal une grande partie des personnels de terrain qui doivent composer avec les moyens du bord. L’inclusion, l’accompagnement et la gestion des enfants en situation de handicap sont un sujet important qui ne pourra réussir en faisant des économies.
Rappelons que le SNALC revendique plus de décharges pour tous les directeurs et a fortiori pour tous ceux devant s’acquitter de tâches chronophages dont les IEN et les chefs d’établissement ne veulent ou ne peuvent même pas se charger.