Les assises de la maternelle : compte-rendu

Les 27 et 28 mars derniers, le SNALC a assisté aux assises de la maternelle organisées par le ministère à Paris. Ces deux journées, menées sous l’égide du psychiatre Boris Cyrulnik, se présentaient sous la forme d’une série de petites conférences pour finir par deux tables rondes. Les débats et exposés devaient ainsi balayer l’ensemble des questions relatives à l’école maternelle. Nous vous proposons ci-dessous une présentation succincte du déroulé de ces deux journées intenses.

L’introduction au premier jour des assises en présence du président de la République :

Le discours du ministre insiste tout d’abord sur l’importance de la maternelle bien qu’elle ne soit pas obligatoire. L’école maternelle est un lieu d’innovations et un puissant outil de lutte contre les inégalités. Par ailleurs, il insiste sur la nécessité de renforcer le langage et de ne plus opposer école de l’épanouissement et école des apprentissages. Le ministre annonce vouloir faire de l’école maternelle l’école de l’épanouissement et du langage pour la rentrée 2019.

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue en charge de l’organisation des assises, commence par rappeler que l’intelligence se développe d’abord par et grâce aux qualités relationnelles. Il précise que tout apprentissage demande des efforts et que plaisir et efforts ne sont pas contradictoires. Il est nécessaire selon lui d’apprendre aux élèves que l’on prend du plaisir à faire des efforts. Il faut aussi, d’après lui, développer la créativité des enfants. Le SNALC ne peut qu’approuver ce discours.

Le président de la République annonce très rapidement qu’il a décidé de rendre obligatoire l’école à trois ans à la rentrée 2019. Il se positionne dans les modifications de scolarité des lois Ferry de 1882 et de la scolarisation jusqu’à 16 ans par le général de Gaulle en 1959. L’accent est mis sur le fait que les inégalités et les élèves en difficulté/les décrocheurs sont repérés en difficulté très tôt, souvent dès le CP et qu’il faut donc intervenir précocement dans les parcours scolaires. Il décrit une école qui doit associer affectif et cognitif pour sécuriser l’enfant, et souhaite ouvrir une troisième voie pour l’Ecole. S’en suivent des références aux humanités, à la République, « On construit une Nation dans l’Ecole. (…) Lorsque l’on cède un pouce d’excellence à un enfant on abandonne la République. ».

Cette longue introduction nous a semblé nécessaire pour situer la logique générale et les idées présidant à ces assises.

Une première journée consensuelle :

Après les trois discours d’introduction qui ont occupé une bonne partie de la matinée, les interventions s’enchaînent. Globalement, les présentations sont de qualité et, bien que théoriques, elles s’articulent parfaitement à nos positions et à nos idées.

Nous retiendrons ainsi quelques idées fortes qui confirment l’importance de la scolarité et de l’assiduité en maternelle ainsi que le rôle crucial des enseignants dans les apprentissages premiers.

Francis Eustache (chercheur en neuropsychologie) nous a montré dans son exposé sur la mémoire qu’au cours du développement, l’environnement prend le pas sur le programme génétique. Cela revient à dire que plus les recherches progressent, plus l’idée que tout serait inscrit à l’avance est battue en brèche. Le déterminisme n’est plus de mise. En effet, le cerveau est doté d’une plasticité tout au long de sa vie et peut évoluer, s’adapter, se transformer régulièrement. La part de l’environnement, et donc le rôle de l’école est plus important que l’équipement génétique de base.
Selon Franck Ramus (chercheur en neurosciences), les grands programmes de recherches internationaux confirment que l’on obtient des résultats positifs sur les résultats scolaires dans le secondaire et sur l’insertion professionnelle en investissant massivement dans les débuts de la scolarité.
Une présentation simple et logique sur la répartition des enfants dans une classe selon différentes organisations du mobilier et des espaces par Anne-Marie Fontaine (professeur de psychologie) démontre l’importance de réfléchir à la disposition de la classe (disposition du coin cuisine, coin lecture, taille des meubles, type de jouets).
Une excellente présentation sur le sommeil du jeune enfant par Sabine Plancoulaine (médecin épidémiologiste) nous confirme ce que tous les enseignants de maternelle savent, certains enfants ont encore besoin de dormir l’après-midi à quatre ans, voire à cinq ans, et il est indispensable de ne pas les en empêcher. Cependant les exigences de la hiérarchie ne sont pas toujours conformes aux besoins des élèves ni à l’expérience des enseignants.
Pierre Lemarquis (neurologue) dans une présentation sur la musique nous a montré que la pratique musicale est un facteur très favorable à l’apprentissage ultérieur de la lecture, de l’orthographe et des langues.

Une deuxième journée plus polémique :

Une présentation de l’acquisition du langage chez l’enfant par Ghislaine Dehaene-Lambertz (pédiatre et chercheur en neurosciences) est venu rappeler les redondances nécessaires à l’acquisition du langage et la nécessité d’un juste équilibre entre le développement affectif et le travail scolaire structuré.
Alain Bentolila (linguiste) a ensuite présenté la nécessité de lutter contre les inégalités par la maîtrise du langage. Il a développé l’importance de l’acquisition du langage oral en maternelle en évoquant les différences considérables dans le nombre de mots entendus par les enfants selon le milieu familial et les répercussions sur les apprentissages ultérieurs. Il a insisté sur le côté néfaste d’un apprentissage trop précoce de la lecture et sur le fait que la maternelle n’était pas qu’une propédeutique au CP. Il a conclu sur la question de la formation qui doit allier théorie solide et expériences pratiques et sur la question des effectifs, surtout en petite section.

Plusieurs intervenants, chercheurs et/ou médecins ont pris position en affirmant, conformément à ce que le SNALC affirme depuis toujours qu’en cas de désaccord ou de discordance entre la recherche et le terrain, ce sont les analyses et observations des praticiens de terrain, les enseignants, qu’il faut écouter. Point de scientisme donc mais une vraie humilité des chercheurs qui reconnaissent l’importance de l’expérience des enseignants. Nous ne pouvons que constater qu’il en est souvent autrement avec notre hiérarchie.

Les carences de la formation et l’absence d’une formation véritablement spécifique à la maternelle ont souvent été évoqués au cours de ces deux journées. Certains intervenants ont insisté sur le besoin d’une formation initiale de qualité et le retour d’une formation continue efficace.

Se sont ensuite tenues les tables rondes. Le SNALC a concentré son attention sur la place et le rôle des mairies et des ATSEM. Sur le premier sujet, on ressent, derrière les belles déclarations d’amour des représentants des mairies, une volonté de certaines collectivités de rentrer dans l’école, pour ne pas dire dans les classes. Sur le second sujet, le collectif représentant la profession des ATSEM a fait des comparaisons avec le métier de professeur des écoles qui sèment potentiellement la confusion dans le rôle de chacun (participer aux équipes éducatives sur de nouveaux temps, participer à l’écriture du projet d’école).

Au final, si nous avons cerné l’objectif de communication et de publicité de ces deux journées, nous avons apprécié les apports des scientifiques, leur prudence, le fait que ce soit eux qui amènent également le regard sur la formation et les effectifs. Le SNALC restera vigilant concernant les points qui nous ont semblé glissants et observera attentivement comment le ministère va transcrire (ou pas) dans les prochains mois les idées développées durant ces deux jours.

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