UNE ÉVOLUTION HISTORIQUE DIFFICILE À QUANTIFIER MAIS UNE TENDANCE
Durant une période assez longue, des débuts de la troisième République aux années 70, l’apprentissage de la lecture se faisait par des méthodes alpha-syllabiques ou phonémiques. La priorité était donnée au décodage, c’est-à-dire à l’activité de base pour l’élève de savoir associer graphèmes et phonèmes, le tout lié à la pratique régulière de l’écriture, normalement en lien avec le vocabulaire de la lecture. On a parfois reproché une forme trop forte d’automatisation voire d’abrutissement des élèves avec un excès de répétition et un manque de travail sur la compréhension (on reconnaîtra le célèbre « il faut donner du sens »).
De ces critiques et en s’inspirant de la méthode d’Ovide Decroly, des linguistes, dans les années 70, pousseront à rejeter les méthodes phonémiques et proposeront des méthodes idéo-visuelles ou mixtes. La part de l’apprentissage accordé au décodage, à l’apprentissage de la correspondance graphèmes-phonèmes était faible et cet apprentissage était souvent repoussé au mois de décembre, voire plus tard dans l’année, au profit donc du travail sur le mot, la phrase, l’invention de textes et l’écriture spontanée. Cette approche aura un porte-parole, Jean Foucambert, IEN, qui a présidé l’Association Française pour la Lecture et a eu un rôle très important dans la formation des conseillers pédagogiques et inspecteurs du premier degré durant les années 70 et 80.
Derrière les débats sur les méthodes et les différentes approches, les points de vue ne tenaient alors pas compte des pratiques et de l’expérience des enseignants de terrain. Le débat était surtout idéologique : certains réformateurs accusaient les méthodes alors en vigueur de provoquer l’échec des élèves de milieux populaires et voulaient rénover l’enseignement de la lecture en améliorant les résultats des élèves les plus défavorisés sur le plan social. Ces linguistes ont rapidement transformé une discussion entre expériences pédagogiques et hypothèses scientifiques en un débat farouche entre «progressistes» et «réactionnaires».
Aujourd’hui, le débat semble un peu dépassé et les instructions officielles et programmes du primaire ont progressivement remis au goût du jour l’importance de l’apprentissage et du travail sur le code.