Nous ne sommes pas des tire-au-flanc

C’était trop beau pour durer. Que reste-t-il aujourd’hui des belles paroles d’hier, des éloges sur l’investissement des professeurs et des personnels de l’Éducation nationale ? De l’accueil des enfants des personnels soignants, où l’on avait trop de volontaires ? De la continuité pédagogique mise en place sans préparation et sans filet, avec les moyens du bord, i.e. nos moyens propres ? Visiblement plus grand chose.

L’ambiance est redevenue assez traditionnelle et, à défaut de reprendre le championnat de football, beaucoup se sont remis à l’un de nos sports nationaux préférés : taper sur les profs. Je dis « profs » car on nous attribue rarement le titre complet et on ne prend pas le temps non plus de citer les autres métiers du ministère, mais les CPE, AED, AESH, Perdir, ATSS, Psy-EN… sont bien sûr du voyage.

De quoi serions-nous coupables, cette fois-ci ? Apparemment nous « renâclons ». Nous « rechignons ». Bref, nous ne voulons pas reprendre — ce qui nous permet de découvrir que nous nous serions arrêtés… bizarrement, nous n’avions pas remarqué. C’est évidemment notre faute si tel parent ne peut voir son enfant accueilli chaque jour en maternelle. Les contraintes sanitaires, c’est nous, bien sûr.

Il faut dire que nous ne sommes pas aidés. Notre ministre a visiblement comme principal objectif de laisser penser que tout le monde pourra remettre son enfant à l’école d’ici la fin de l’année. S’il est plutôt clair les jours pairs sur le protocole sanitaire, il se laisse davantage aller les jours impairs. L’institution aurait tout à gagner à expliquer clairement les conséquences du protocole sanitaire et que, si une partie des enseignants est à distance, c’est non seulement normal, mais également souhaitable. Ce serait nettement plus productif que d’essayer de faire croire que nous allons assurer les 2S2C (Sport-Santé-Culture-Civisme… soupir…) à coups de complément de service ou d’heures supplémentaires, avant de nous lancer dans les « vacances apprenantes » (sic).

Dès lors, la porte est ouverte à toutes les ignorances et à tous les ressentiments. Nous voici « aux abonnés absents » et « tire-au-flanc » dans un quotidien national. Et sous une autre plume bien connue, nous voici comparés, à notre désavantage, avec « [l’]importante mobilisation des personnels de santé et des forces de l’ordre ». C’est d’autant plus triste et fatigant que la quasi-totalité des journalistes spécialisés sur les questions d’éducation ont parfaitement compris la situation et font preuve de nuance et d’honnêteté.

Face à ce phénomène, le SNALC défend plus que jamais nos métiers. Dans les instances, dans les rectorats, dans les écoles, collèges et lycées, mais aussi dans les médias, avec une forte présence. Pour rétablir la vérité. Pour expliquer aux parents, au grand public et à certains pseudo-journalistes que la situation est tout aussi compliquée pour nous que pour eux. Et que non, définitivement, nous ne sommes pas des tire-au-flanc.

Le président national, Jean-Rémi GIRARD
le 9 juin 2020

3 réflexions sur « Nous ne sommes pas des tire-au-flanc »

  1. Merci pour cet article. Je ne sais à quel heure avez-vous rédigé votre article du 9 juin, mais le soir même le reportage sur France 2 , enquête sur les profs décrocheurs » nous accule une fois de plus et qui plus est à une heure de très grande écoute, une honte.

  2. Cette campagne de prof bashing est ressentie par bcp de collègues comme étant orchestrée directement par le ministère pour décrédibiliser les profs et justifier le refus, pas encore annoncé, de hausses réelles et significative de salaires; en effet difficile de refuser de payer des « héros » face à l opinion, mais tellement facile d envoyer balader des « fainéants » !!!

  3. En effet, les journalistes des chaînes publiques d’information et certains journaux financés par des aides d’État sont en lien étroit avec le pouvoir. Et cette campagne médiatique de dénigrement ne peut viser qu’à dévaloriser les professionnels de l’éducation nationale : dévalorisation morale pour justifier encore de ne pas les revaloriser financièrement comme cela avait été annoncé.
    Le SNALC peut-il porter réclamation auprès des journalistes et des médias qui nous ont ainsi diffamés afin qu’ils corrigent leurs inexactitudes si préjudiciables ? Quels sont les recours dans ce cas ?

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