Panel d’élève 2021 : les raisons de la colère

La DEPP, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, a pour mission de mener des enquêtes, des statistiques, et ainsi évaluer les politiques éducatives. Depuis 1973, elle a mis en place 8 panels d‘élèves à observer et suivre. Leurs buts : décrire et comprendre les trajectoires scolaires des élèves dans le système éducatif, en suivant un échantillon d’élèves entrant à une date dans un niveau donné.

2011 : premier raté

En 2011, un panel de 15 000 élèves entrés au CP fut constitué : ces élèves furent par la suite évalués régulièrement (CM2, collège) et questionnés sur leurs choix d’orientation.
La même année, Jean-Michel Blanquer alors DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire) avait défendu un projet d’évaluation en maternelle. Cette évaluation, facultative, se présentait comme un projet de repérage des élèves pour les apprentissages en maternelle, permettant de classer les élèves en trois catégories : « risque », « haut risque » et « rien à signaler ». Cela avait bien évidemment suscité un véritable tollé et s’était conclu par un fiasco. Mais à cette époque, selon les dires de Jean-Michel Blanquer, les professeurs étaient « en attente d’un outil comme ça », avec pour objectif de prévoir une « prévention précoce » dans le plan de lutte contre l’illettrisme.

2021 : le souvenir est encore frais

En 2021, un nouveau panel constitué de 35 000 élèves de petite section (et non plus de CP) sera constitué. L’objectif de démarrer une étude sur des enfants si jeunes est notamment de mesurer l’impact de la scolarisation et de l’instruction obligatoire à 3 ans. Là aussi, il est prévu de suivre les élèves tout au long de leur scolarité pendant que les enseignants des 1700 classes maternelles concernées seront interrogés sur leurs pratiques pédagogiques. Pour ce faire, la DEPP indique qu’une phase d’expérimentation est menée en préalable, premier semestre 2021, sur un échantillon réduit, à l’aide de « grilles d’observation des élèves, du module d’activités langagières et de questionnaires auprès des enseignants ». C’est justement à cause de ces grilles que l’indignation a commencé à poindre. Quelques-uns de ces questionnaires ont « fuité », et ils ne sont pas sans rappeler le projet d’évaluation en maternelle de 2011… En 2021, on ne parle pas d’élèves à « haut risque » ou « rien à signaler » mais on trouve des cases à cocher – nombreuses et précises – sur le comportement de l’élève, qui s’enchaînent : coupe la parole, a facilement les larmes aux yeux, a des accès de colère, agit de manière violente, etc.

La catégorisation négative

Evaluer le profil des élèves de 2021 peut s’entendre, nos élèves tout comme notre société sont en évolution constante. Notre administration a besoin de connaître le profil des élèves de manière régulière. Mais elle doit également prendre conscience des conditions réelles d’enseignement et d’apprentissage, du décalage entre ce qu’elle nous dit de pratiquer et la réalité de nos classes, de nos élèves et de notre métier aujourd’hui.
Catégoriser, classer et trier sont certes des activités essentielles dans les apprentissages de maternelle mais les professeurs des écoles refusent de participer à une catégorisation de leurs élèves et ce, dès le plus jeune âge. Cela va totalement à l’encontre de la nature même de l‘école maternelle, qui consiste à participer au développement de l’enfant, quel que soit son bagage langagier ou ses compétences en petite section, et à réduire les inégalités. La pratique de l’évaluation positive ne peut aller de pair avec une catégorisation. Où est le principe de résilience si cher à Boris Cyrulnik, chef de file des Assises de la maternelle en 2018, en évaluant des élèves aussi jeunes ?

Les enseignants sont en colère car ils ont des besoins professionnels qui ne sont ni entendus ni assouvis. Participer à une énième évaluation de ce type, qui plus est sans que cela soit suivi d’effets ou d’améliorations, est une perte de temps et d’argent supplémentaire.
Pour l’école maternelle, le SNALC réclame plus de moyens humains : un RASED renforcé, une ATSEM par classe, des effectifs de classe allégés.

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