Présomption de culpabilité : un soutien à charge

A chaque fois que notre profession vit un drame humain, l’opinion publique est traversée par un éclair de lucidité. Ce dernier, de par sa nature évanescente, ne dure qu’un temps et notre hiérarchie a tôt fait de minimiser les violences que nous subissons au quotidien et qui conduisent parfois à l’irréversible.

Une administration aveugle aux agressions dont sont victimes ses agents

Le drame de la disparition de notre collègue Jean WILLOT a fugitivement alerté les médias. Pour autant, aucune prise de décision durable de la part de notre hiérarchie pour essayer d’éviter un nouveau drame. Au contraire, à chaque fois, le déroulé des événements est identique : un reproche survient, la famille «surréagit», s’ensuit une spirale de violences verbales puis une plainte qui laisse au mieux l’enseignant sonné et au pire, le conduit à l’irréparable. Car bien souvent, notre hiérarchie, au lieu de nous assurer de son soutien, a recours à une demande de justification de l’enseignant.

Il est en effet tragique de noter à quel point notre hiérarchie, plutôt que de nous défendre, préfère accompagner les familles dans leurs délires accusateurs. Elle applique non pas la présomption d’innocence mais la présomption de culpabilité. Le 30 octobre dernier, notre ministre s’était pourtant positionné dans les médias suite à l’agression filmée d’une enseignante : «Tout signalement fait par un professeur aura un suivi», « Le suivi doit permettre d’arriver à une sanction proportionnée. », «On doit rétablir l’autorité du professeur». À ce jour, ces belles paroles n’ont pas été suivies d’effet. On se doute que sans les images de l’agression, rien ne se serait produit. Depuis de trop nombreuses années, les enseignants sont abandonnés face aux accusations les plus diverses, sans soutien, au point de les pousser à l’irrémédiable. On se souvient d’une ministre déléguée affirmant « Un enfant ne ment pas »…

Les textes existent pour protéger les professeurs, mais ne sont presque jamais appliqués

Si le manque de cadre légal pouvait expliquer l’absence de soutien de la hiérarchie… Il n’en est rien et il suffit d’appliquer les textes. En effet, chaque professeur des écoles bénéficie statutairement de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : «La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »

Le supérieur hiérarchique, ici le DASEN, a donc le devoir de protéger l’enseignant. Trop souvent, une mécanique infernale se met en place pour étouffer les affaires. En effet, notre hiérarchie apaise les familles et réprimande le professeur des écoles qui passe ainsi du statut de victime à celui de coupable. Il est alors demandé à l’enseignant de justifier sa pratique de classe. La hiérarchie allant parfois jusqu’à mener l’enquête auprès de toute l’équipe enseignante. La faute ne pouvant être que du côté de l’enseignant, toujours, aux yeux des familles comme de la hiérarchie. Les collègues vivent ainsi une véritable procédure inversée durant laquelle ils doivent prouver leur innocence même en l’absence de toute erreur. On retrouve ici la logique de la démarche d’inspection ou trop souvent l’enseignant est d’abord présumé incompétent et doit prouver qu’il agit bien selon le dogme en vigueur.

Une prise de conscience collective est urgente

L’enseignant concerné ne trouve parfois pas d’autre solution que la plus dramatique. La profession ne doit plus accepter de subir en silence et doit au contraire forcer la hiérarchie à agir. Le SNALC n’accepte pas ces situations. C’est pourquoi les enseignants pourront toujours compter sur notre soutien et notre aide. Il est plus que temps que soient pris en compte les risques psychosociaux pour éviter que se reproduisent sans cesse des drames intolérables.

4 réflexions sur « Présomption de culpabilité : un soutien à charge »

  1. Merci pour cet article qui présente une analyse hélas véridique et dramatique et qui précise aussi l’ esprit suspicieux des inspections et surtout de notre hiérarchie. Un dramatique problème de gestion psycho sociale des ressources humaines qui desservira encore davantage non seulement les enseignants mais aussi les usagers de l’école.

  2. J’ai été adhérente du SNALC pendant des années. Lorsque j’ai été accusée d’avoir giflé un élève en 2011, le syndicat n’a pas réagi. J’ai été placée en congé d’office, puis en CLM et en CLD d’office et ai fait une TS en mai 2011. Le procureur de la République a classé la plainte sans suite. Mais le Rectorat ne cesse de réitérer l’accusation mensongère. J’ai cessé d’adhéré au SNALC et ai pris un avocat. Dommage !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *