Questionnaire direction d’école  ou comment donner un os à ronger à quelqu’un d’affamé

La Direction d’école est en mort programmée, maltraitée, en sous nutrition. Le questionnaire mis à disposition des Directrices et Directeurs d’école est une offense de plus à leur dignité. Questionnaire non sécurisé que les non directeurs ont pu remplir (on se demandera alors si la valeur des résultats peut honnêtement être prise en considération, le principe étant faussé à la base). Loin d’alléger la surcharge, il proposait, l’air de rien, d’en ajouter davantage. Et le résultat publié en ligne est un outil de communication d’un Ministère qui ne brille que par ses effets d’annonce.

Aller droit au but ? Ou pas…
Ce questionnaire ne va pas droit au but, c’est le moins que l’on puisse dire. La première dizaine de questions tourne carrément autour du pot et permet de cerner les demandes du personnel en fonction des contraintes qui sont les siennes propres : nombre et niveau de classes (élémentaire, primaire ou maternelle) ; nombre d’enseignants ; appartenance à un pôle inclusif ; REP/REP+/hors éducation prioritaire ; nombre d’adultes non enseignants intervenant dans l’école ; quotité de décharge etc. Ainsi, le questionnaire oriente la suite du débat en fonction du public concerné. Il est clair que la Directrice d’une école totalement déchargée n’aura pas la même vision du métier et les mêmes besoins qu’un Directeur d’école à 3 classes. Et cela servira le Ministère puisque le résultat de la concertation fait état des pourcentages relatifs aux demandes et relevés de situation. Il n’y a pas tant de besoin que cela, que diantre ! Pour exemple, 46% des sondés estiment consacrer de 11 à 20 heures aux tâches de direction par semaine. L’opinion publique pourrait alors se dire que ce n’est pas beaucoup. Certes, mais il faut prendre en compte qu’il y a l’enseignement à coté et que nous sommes loin de n’avoir, contrairement à la ville de Paris, que des Directrices et Directeurs totalement déchargés. Et quand on observe les chiffres des directions bénéficiant d’un quart de décharge et de quatre jours fractionnables sur l’année, cela s’élève respectivement à 41% et 5%. Ce qui fait 46%. Cqfd : pour une journée de décharge par semaine (et même moins pour les « oubliés de la décharge de direction »), on travaille 20 heures. Cela laisse 4 heures pour dormir et s’alimenter : on est large, ça passe !

Et prendre des chemins détournés
D’autres items nous posent question, si ce n’est problème. « Quelle est la durée approximative du trajet entre l’école et le siège de la circonscription ? » La Direction va être probablement en lien étroit avec la circonscription, pour le meilleur et surtout pour le pire.

Le point est fait également sur les domaines jugés les plus chronophages, le fonctionnement administratif arrivant en tête avec 75% d’avis exprimés sur cet item. On peut alors s’interroger sur la finalité de ce questionnement. Est-ce pour sous-traiter à des spécialistes qui ne seraient pas Directrices ou Directeurs ? En centralisant, on réduit les effectifs mais le temps de transmission et de traitement peut alors aller crescendo. Ou alors, moyennant une revalorisation minimaliste (décharge, formation, outils d’exécution ou salaire) la hiérarchie va-t-elle charger un peu plus la mule ? Car il est clairement demandé aux sondés les domaines qui leur prennent le plus de temps, mais aussi ceux qui sont jugés les plus pénibles. Pourquoi cette tournure si ce n’est pour opérer un glissement ?

La question de la gestion du conflit entre adultes est clairement posée. En filigrane, on ne peut voir là que l’aveu d’une école publique au bord de l’explosion, ses acteurs étant sans cesse entre le marteau et l’enclume, incapables de tout concilier. Et de se réconcilier.

De même, pourquoi aborder l’envie d’être associé à l’évaluation des enseignants ? N’y a-t-il pas assez de travail à la Direction d’école sans prendre la casquette de l’IEN ? Car nous avons la faiblesse de penser que le salaire des Directrices et Directeurs ne sera jamais aligné sur celui des IEN (ne rêvons pas, les expériences passées sont assez riches en désillusions et tours pendables pour en avoir la certitude). Et les tensions qui vont naître de l’insertion d’un nouveau maillon hiérarchique laissent présager de tout sauf de lendemains heureux, les Directrices et Directeurs supérieurs hiérarchiques étant amenés à appliquer, sans filtre, les demandes délétères de la hiérarchie. Dans le même sens, on trouve les questions portant sur la capacité à être « décisionnaire sur l’utilisation des 108 heures annuelles hors présence des élèves au sein de votre école ». Un Directeur qui décide et des adjoints qui ne seraient pas consultés ? « Être davantage associé au pilotage pédagogique et à l’élaboration des actions mises en place au niveau de la circonscription ? » On s’orienterait vers une Direction à mi-chemin entre l’école et la circonscription, mais plutôt du côté de la circonscription que des enseignants, surtout quand il faudra faire passer au chausse-pied toutes les directives allant à l’encontre de la liberté pédagogique. Drôle de vision de l’école et tâches supplémentaires en perspective pour une rémunération, ne nous leurrons pas, qui ne sera pas au niveau de l’investissement horaire.

Le sens des problèmes, un non-sens des réponses
Si les problèmes sont diagnostiqués, on se demande pourquoi les solutions tardent à poindre et pourquoi les directives ne vont toujours pas dans le bon sens et au nom du bon sens.

Quand on lit les questions relatives au télescopage des activités relatives à l’exercice de la Direction d’école, on comprend que notre Ministère est pleinement conscient que la coupe est pleine. Cette conscience est d’ailleurs si fine qu’une question met le doigt sur la situation épineuse qui consiste d’une part à être interrompu sur le temps de classe pour régler des problèmes liés à la Direction (87% des sondés en accord avec cela) et d’autre part à être dérangé pendant son temps de décharge (91% des sondés corroborent ce point). Cela peut prendre la forme d’un ouvrier de la mairie venant constater ce qui est à réparer à l’improviste quand on est absorbé par le traitement d’un dossier.

Il est aussi demandé au fil des questions de désigner les points requérant une aide. Et ces points sont ceux relatifs au secrétariat, celui-là même qui a été supprimé récemment, plongeant ainsi les Directrices et Directeurs dans le plus vif désarroi : « Gérer les accès à l’école en dehors des heures d’entrée/sortie de classes (52%) ; Répondre aux appels téléphoniques (48%) ; Traiter les messages électroniques (26%) ; Assurer la reprographie et la distribution de documents (22%) ; Organiser des rendez-vous (5%); Assurer le lien entre l’école et le service / les personnels chargés des activités périscolaires…. ».  Appliquant la technique éprouvée du pompier incendiaire, notre administration tente de nous faire croire qu’elle va éteindre un feu qu’elle a allumé elle-même !

Pour ainsi dire, la Direction en est à l’Age de pierre et on s’aperçoit que le Ministère le sait pertinemment quand il demande si « des logiciels de bureautique actualisés » ; « un ordinateur portable » ou encore « une connexion internet fiable » sont jugés comme prioritaires. Un comble ! Surtout que les besoins sont clairement exprimés ici par une profession on ne peut plus unanime : la connaissance du droit et de la réglementation recueille 56% d’avis favorables, suivie par la gestion des conflits entre adultes avec 35% d’opinions exprimées sur ce point. Les pistes sont même données par les sondés, la RH arrivant loin en tête (aide humaine etc.). Il en ressort que les Directrices et Directeurs sont les boucliers humains d’une institution qui se refuse à les aguerrir sur des domaines qu’elle préfère laisser en friche. Et de nier toute responsabilité lorsque ça dérape et que les drames humains surviennent. Un comble de plus !

Vous l’aurez compris : la coupe est pleine. Pleine de kérosène. A force de manier l’allumette à proximité, notre Ministre pourrait bien se brûler. Le SNALC veillera à ignifuger la Direction d’école, trop longtemps matière inflammable et quantité négligeable pour notre hiérarchie qui use sans retenue de concepts qu’elle se plait à marier : le fusible de rechange et le bouclier humain.

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