REP et REP+ : un système à bout de souffle

Depuis 1981, date de la mise en place des Zones d’Education Prioritaire, des moyens humains et financiers très importants n’ont cessé d’être mobilisés et déversés pour l’Education Prioritaire. Le surcoût d’un élève scolarisé en REP+ représentait 1137 € en 2016, soit un surcoût de 30% lié aux seuls dispositifs de l’éducation prioritaire. Mais pour quels résultats ?

DES RÉSULTATS BIEN EN DESSOUS DES OBJECTIFS
Nos instances se targuent sans cesse des bienfaits de ce dispositif, répétant à qui veut bien l’entendre que ce dernier est le seul moyen de lutter contre les inégalités. S’il n’est pas dans notre intention de remettre tout en question, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les failles de la ZEP devenue REP depuis. Si le principe d’aider certaines zones est louable, on peut s’interroger sur ce système qui s’avère au final relativement contre-productif. Le rapport de la Cour des Comptes, publié le 17 octobre 2018, établit un bilan négatif de ce dispositif né en 1981 avec les « zones d’éducation prioritaire » (ZEP). Pas de place pour le compromis : la différence de résultats au brevet des collèges entre un enfant scolarisé dans un collège en REP et un enfant d’un collège hors REP oscille entre 20 et 30 % en français et en mathématiques alors que l’objectif de la REP était initialement de « limiter à 10 % ces écarts de niveau ». Cet écart s’est même creusé en mathématiques, dépassant régulièrement les 35 % à compter de 2011. Il est à noter qu’un tiers seulement (36 %) des élèves de REP+ entre en 6ème en maîtrisant à la fois la langue française et les matières scientifiques alors que cette proportion est d’un sur deux en REP et deux sur trois hors éducation prioritaire. Un succès mitigé donc. Pour ne pas dire plus.

Quelles dérives d’un système appelant à combler les écarts peuvent expliquer le maintien de ceux-ci ? Il est temps de repenser le dispositif en profondeur pour obtenir enfin des résultats tangibles. Rappelons que la finalité est de réduire les inégalités, non pas dans les paroles et dans l’aspect cosmétique et bienveillant de la chose mais dans des faits, que chacun serait à même de constater sur le terrain.

UNE ÉDUCATION PRIORITAIRE POUR LES ENFANTS, AVEC LES PARENTS
Les parents sont les grands absents de l’équation. De nombreuses interventions en REP+ consistent à sensibiliser les enfants à l’hygiène alimentaire, à l’hygiène dentaire, aux règles de vie dans les transports, aux risques liés aux écrans… Ces apprentissages, s’ils ne trouvent pas d’écho auprès des familles, resteront lettre morte. Aussi faudrait-il associer les parents et les faire participer à ces interventions. Une sensibilisation et même un approfondissement seraient souhaitables si l’on aspire à la durabilité des apprentissages menés sur ces thématiques. Dans le même sens, les parents des quartiers relevant de l’éducation prioritaire sont souvent démunis face au fait scolaire. L’apprentissage des leçons ou les devoirs qui sont donnés à leurs enfants ne leur permettent pas d’avoir un rôle actif. Pour susciter l’envie d’apprendre, un enfant a besoin de voir que le fait scolaire revêt une importance aux yeux de ses parents. Pour créer une synergie, l’Education nationale pourrait, si elle voulait bien faire les choses au lieu de saupoudrer, faire participer les parents à des réunions pour leur montrer comment aider leurs enfants à se mettre au travail, à faire des exercices, à apprendre une leçon. Les 108h seraient ainsi plus porteuses que consacrées à l’élaboration de divers projets chronophages n’aboutissant à aucune amélioration notable du niveau scolaire de nos élèves.

REDONNER SA PLACE À L’APPRENTISSAGE DES FONDAMENTAUX
Trop souvent encore, les fondamentaux – le lire-écrire-compter – ne sont pas traités avec l’insistance nécessaire et les méthodes qui ont fait leurs preuves sont laissées de côté, dénigrées et jugées passéistes. On assiste trop souvent à du délayage dans la nébuleuse de projets et autres méthodes qui font la part belle au ludique et à l’accessoire : les fameuses « éducations à ». Nous parlons bien de ces méthodes qui ont conduit l’école au marasme révélé par les enquêtes TIMS et PISA. Car si les pédagogies dites modernes sont préférées à celles considérées comme rétrogrades car trop transmissives, il est étonnant de noter que les « vieilles » méthodes sont celles utilisées par le RASED ! C’est donc bien la preuve qu’elles fonctionnent puisqu’elles servent de bouée de sauvetage aux élèves qui décrochent. Alors pourquoi ne les utiliser qu’en cas d’extrême urgence ?
On a développé en REP et REP+ l’apprentissage par le jeu et les projets tous azimuts menant les enfants à se disperser, à ne pas avoir de cadre et à ne plus conscientiser les apprentissages. A contrario, au collège où l’enseignement est plus transmissif à cause de contraintes horaires, du volume des programmes et d’effectifs chargés, beaucoup d’élèves se retrouvent rapidement en décrochage scolaire, n’étant pas préparés par leur scolarité primaire à un tel enseignement. Il est donc nécessaire de revenir à l’école primaire et surtout en CE2, CM1 et CM2, à un enseignement qui ne survolerait plus les domaines abordés mais qui irait au fond des apprentissages par des méthodes qui ont fait leurs preuves : technique du calcul mental, du calcul posé, étude de l’orthographe avec des dictées, etc.
Il est grand temps de réhabiliter cette pédagogie « passéiste », comme les pédagogistes bienpensants aiment à le répéter, et reconnaître qu’on a eu tort d’opter pour une pédagogie qui se voulait révolutionnaire et novatrice, créée de toute pièce par des « chercheurs » qui ont planté dans leurs beaux bureaux parisiens rue de Grenelle, loin, bien loin des quartiers dit sensibles, les graines de l’échec scolaire que nous récoltons aujourd’hui.

LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS EXIGE LUCIDITÉ ET HONNÊTETÉ
Sortons de l’hypocrisie ambiante qui consiste à vouloir à tout prix aider les enfants de ces zones prioritaires mais en les laissant dans l’entre-soi permanent. Repensons l’intégration des écoles et des collèges de ces zones dans la masse des écoles de France. Une dernière note d’analyse de France Stratégie suggère par ailleurs que l’efficacité suppose de mieux cibler les écoles défavorisées.
Si l’on souhaite que les élèves de REP et REP+ réussissent, permettons déjà aux enseignants, effectifs et moyens à l’appui, d’appliquer des pédagogies exigeantes et non pas des pseudo pédagogies au rabais sous le couvert du tout ludique. Optons pour la lucidité en lieu et place de la « ludicité ». Il est temps de donner le meilleur aux élèves de REP et REP+, dans le but non pas d’acheter une paix sociale mais de leur permettre de réussir.

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