Serrage de la vis… est-ce vraiment la bonne solution ?

Peut-on parler d’absentéisme excessif des enseignants ?

Dans la fonction publique les enseignants sont bien loin d’être les champions en matière d’absence si l’on en croit l’étude de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Au sein de la fonction publique, les professeurs sont largement devancés par les agents du ministère de la Justice ou du Travail, qui comptabilisaient en moyenne 8,7 et 8,5 journées de « congés pour maladie ordinaire » par an et par salarié en 2012 contre 6,6% pour les enseignants.

Un rapport daté de 2013 réalisé par la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques) permet de comparer les absences au travail des salariés, tous domaines confondus, entre 2003 et 2011. Selon l’étude, le taux d’absentéisme moyen pour raison de santé, tous secteurs confondus, est de 3,7%. Il descend à 3,2% dans le domaine de l’enseignement (professeurs et autres personnels). C’est moins que dans de nombreux métiers du secteur privé comme l’hébergement et la restauration (3,9 %), le transport et l’entreposage (3,6 %) ou encore l’immobilier (3,3 %).

Les raisons du manque de remplacement dans les classes sont, sans aucun doute, à chercher ailleurs que dans un absentéisme excessivement représenté dans la fonction.

Elles sont multiples :

  • Les pics épidémiologiques difficiles à gérer (grippes, gastro-entérite), mais aussi les « maladies ordinaires » (rhume, angine…). Il faut noter au passage que le contact avec des enfants rend particulièrement vulnérable le corps enseignant.
  • Le manque de souplesse de l’utilisation des ZIL de circonscription, même si des efforts ont été faits pour que des remplaçants puissent renforcer une circonscription voisine en cas de nécessité.
  • Le manque de remplaçants renforce le phénomène. Rappelons qu’un certain nombre de postes ont été transformés pour abonder  le dispositif « 12 élèves au CP ».
  • Et dans une certaine mesure, il faut bien le dire, la profession étant devenue fortement féminisée, c’est souvent la maman que la crèche appelle dès le gamin a un petit bobo ou que le thermomètre atteint les 38 degrés ; c’est aussi elle qui, la plupart du temps, prend les « jours pour enfant malade ».

Nous apprenons maintenant que notre administration veut réduire le taux d’absence des enseignants et améliorer le remplacement ; alors même qu’elle communique en disant que « l’an dernier ça s’est plutôt bien passé ».

Mais les solutions qu’elle apporte seront-elles efficaces ?

Le jour de carence (premier jour d’arrêt maladie non rémunéré)

Il a été mis en place en janvier 2012 et supprimé en janvier 2014. Il va être rétabli en 2018.

Au global, l’application de cette mesure « n’a pas significativement modifié la proportion d’agents » de la fonction publique d’État (FPE) « absents pour raison de santé une semaine donnée », précise une étude de l’Insee s’appuyant sur une base déclarative.

Respectivement 2,75 % et 2,78 % des agents de la FPE ont été absents pour ce motif en 2012 et 2013, contre 2,79 % en 2011.

En revanche, la durée des absences a évolué.

Ainsi, la part des absences de deux jours a « fortement diminué » en 2012 et 2013, ne représentant respectivement que 4,1 % et 4,6 % de l’ensemble des absences déclarées, contre 8,1 % en 2011 puis 10,7 % en 2014.

À l’inverse, « la prévalence des absences d’une semaine à trois mois a augmenté » pendant la période d’application du jour de carence, puis diminué après sa suppression (51,8 % des absences en 2013, contre 44,6 % en 2011 et 47,9 % en 2014).

En revanche, « la part des absences d’une journée ne change pas », relève l’Insee qui avance une hypothèse : « pour éviter une retenue de salaire due au jour de carence, les agents peuvent préférer substituer à un arrêt maladie un autre type d’absence (jour de RTT, jour de congé annuel, autorisation d’absence…) »

Le durcissement des autorisations d’absence

Les remontées des collègues nous laissent penser que suite à la circulaire ministérielle de mars 2017 l’IA aurait donné aux IEN des consignes pour durcir les conditions d’octroi des autorisations d’absence, sans plus aucun discernement. Rendez-vous médical impératif, enfant hospitalisé, demande d’absence d’une heure… : pour tous ces motifs l’absence sera  autorisée avec retrait de salaire et retrait de l’AGS (ancienneté générale des services).

Notons aussi que, sans aucune information donnée, le formulaire de demande d’autorisation ne comporte plus l’avis du directeur mais un simple visa. On est en droit de se poser la question du pourquoi. La directrice, le directeur deviennent de simples secrétaires, alors que ce sont les véritables responsables, sur le terrain du fonctionnement? Quid du référentiel métier ?

Gestion des remplaçants

Le décret du 9 mai 2017  » fixe le cadre du remplacement dans l’enseignement du premier degré. Il permet aux remplaçants d’exercer dans un périmètre départemental, tout en conservant la possibilité de définir des zones d’intervention réduites selon la spécificité géographique de chaque département « ,  cela signifie la fin des ZIL et la fin des brigades de circonscription qui avaient été mise en place l’an dernier.

Si les brigades départementales demeurent en revanche les Zil deviennent « brigade de zone » ce qui va étendre considérablement leur rayon d’action même si ces brigades continueront à être gérées par les secrétaires de circonscription et remplaceront en priorité dans les circonscriptions de rattachement.

L’administration propose de découper le département en trois zones.

Pour le SNALC, qui défend un remplacement de proximité, il ne s’agit ni d’accepter ce découpage ni de proposer un autre zonage qui ne ferait qu’édulcorer le problème tout en donnant notre aval à une mesure qui n’améliorera pas le remplacement de façon significative et pénalisera les collègues.

En conclusion

Il est légitime de se demander où se situe la relation de confiance mise en avant par le ministre dans sa lettre de rentrée : « Si nous cultivons la confiance, l’esprit d’équipe, si nous savons associer tous les acteurs de l’éducation, à commencer par les familles, alors nous obtiendrons ipso facto des effets bénéfiques pour les élèves. »
Et il convient de méditer ces hypothèses de l’INSEE à propos des absences longues dans son enquête publiée le 10 novembre 2017 : « Cette hausse des absences longues pourrait s’expliquer par trois mécanismes. Tout d’abord, le jour de carence engendre un coût fixe pour le salarié à chaque prise d’arrêt maladie. Un agent n’a donc pas intérêt à hâter son retour au travail avant d’avoir la certitude d’être guéri. Ainsi, il peut trouver prudent de prolonger son arrêt, pour éviter une rechute synonyme d’une nouvelle pénalité. Ensuite, du fait de ce coût fixe, certains agents connaissant un problème de santé pourraient hésiter à s’arrêter de travailler pour se soigner. Leur état de santé se dégraderait et conduirait in fine à des arrêts plus longs. Enfin, la mise en place d’un jour de carence pourrait générer chez des agents prenant un arrêt maladie le sentiment d’être injustement mis à contribution, les conduisant, par réaction, à prolonger un peu cet arrêt. Ces hypothèses ne sont ni exclusives ni exhaustives et aucun élément ne permet à ce stade de les confirmer ou infirmer. »

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