Jusqu’à une époque récente, les recours contentieux en cas d’insuffisance de traitement ou de pension devaient être effectués dans les quatre ans suivant leur survenance, en raison du délai de prescription des créances contre l’État défini par la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968.
Mais le 13 juillet 201 6, le Conseil d’État a publié un arrêt (n° 387763, dit arrêt CZA- BAJ) qui a tout changé. Le tribunal administratif de Lille avait rejeté la demande d’un ancien brigadier de police de révision de sa pension où la bonification pour enfants avait été oubliée. Celui-ci a porté l’affaire au Conseil d’État qui a constaté qu’en l’absence de la mention de la juridiction compétente, le délai de recours de deux mois ne lui était pas opposable. Cependant, notant que le brigadier a saisi la justice plus de vingt- deux ans après la notification de sa pension, le Conseil d’État a produit l’argument suivant :
« Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ;
6. Considérant que la règle énoncée ci- dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d’un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu’il appartient dès lors au juge administratif d’en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance; »
Depuis, en reprenant ces considérants, les tribunaux rejettent de nombreux recours exercés au-delà du délai d’un an pour des demandes de rectification de traitement ou de pension de retraite, et ceci même dans le cas où la créance concernée n’était pas prescrite. Ils définissent le point de départ de ce délai par la date où le fonctionnaire a eu connaissance de l’insuffisance de paiement quel qu’en soit le moyen, sans qu’il soit nécessaire qu’il s’agisse d’une notification officielle.
En pratique, afin de préserver leur droit à un salaire ou à une pension correspondant exactement à leur situation, nous recommandons à nos adhérents et à tous les collègues de prendre les précautions suivantes :
- Vérifier scrupuleusement tous les documents qui leur sont communiqués par l’administration, en particulier les VS et les bulletins de paie, et contrôler que leur teneur est conforme en tout point à leur situation personnelle, professionnelle et familiale ;
- Signaler sans délai et par écrit à leur service gestionnaire toute inexactitude même mineure dans un document, et conserver trace de cette demande, ainsi que sa réponse éventuelle ;
- S’il apparaît opportun de saisir le médiateur académique ou ministériel, effectuer cette saisine dans un délai d’un mois au plus tard après l’épuisement des recours au niveau local ;
- En tout état de cause, exercer un recours gracieux dans un délai de six mois au plus tard après la constatation de l’erreur quand celle-ci entraîne une insuffisance de paiement ;
- En cas de rejet de ce recours ou de non-réponse, exercer un recours contentieux dans un délai de deux mois au plus tard après la notification de ce rejet ou l’expiration d’un délai de deux mois sans réponse.
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