La note d’analyse et de propositions par le CSP (Conseil Supérieur des Programmes) relative aux programmes de maternelle laisse transparaître une infantilisation et une vulgarisation à notre égard qui ne peuvent laisser le SNALC indifférent. Ce texte peut même parfois paraître insultant, semblant plutôt s’adresser à des néophytes, pour ne pas dire à l’opinion publique, qu’aux professeurs des écoles.
Une fois de plus, nous voyons là un outil de communication à la terminologie dérangeante plus qu’un document d’aide au travail pour les professionnels que nous sommes.
Les neurosciences pour nous prendre de haut
En essayant de donner leurs lettres de noblesse aux « chercheurs » du ministère, ou de faire leur publicité, il faudrait veiller à ne pas oublier les enseignants, qui n’ont nul besoin d’être éblouis par un verbiage infructueux. Se cacher derrière les sciences pour justifier un amoindrissement de notre liberté pédagogique tend une fois de plus à dresser une barrière entre ceux qui « savent » (les chercheurs en sciences de l’éducation, neurosciences, etc.) et ceux qui officient (les professeurs des écoles). Pourtant, qui se démène chaque jour pour faire avancer et progresser les élèves, générations après générations ? Certainement pas les « penseurs » de l’école mais plutôt ses acteurs.
Le ton de la culpabilisation
Les compétences à atteindre ajoutées par le CSP sont particulièrement ambitieuses et tout enseignant expérimenté de maternelle vous le dira : en aucun cas, elles ne pourront toutes être atteintes par tous les élèves, et ce même en relevant le niveau d’exigence et en adoptant certaines pratiques de classe de l’élémentaire. Le couperet des évaluations n’y changera rien. L’école maternelle doit rester l’école de l’épanouissement, l’école de la découverte, l’école de l’entrée dans les apprentissages et du devenir élève. Recommander d’éviter d’exposer le très jeune enfant au «stress scolaire» est inutile, nous y veillons déjà : l’enseignant, quand il n’est pas pressurisé, est bienveillant. Ce sont les directives déconnectées des « penseurs » et des décideurs qui impactent négativement enseignants et élèves.
Le ton de cette note peut sembler moralisateur et culpabilisant mais reconnaissons-lui une chose : culpabilité et morale s’adressent aussi à nos dirigeants qui décident du budget et par voie de conséquence des postes alloués et de l’encadrement. Les auteurs de cette analyse ne manquent d’ailleurs pas de rappeler que sans un allégement des effectifs, toute cette ambition pourra être remisée au placard.
Instruction et co-éducation
L’instruction apparaît enfin dans ces programmes, ce qui est tout de même encourageant pour notre école. Néanmoins, ne nous leurrons pas : les compétences ont encore la primeur sur les savoirs et le SNALC espère que le mot instruction n’a pas pour unique portée de légitimer cette note du CSP, relativement à l’obligation d’instruction dès 3 ans. Encore une fois, le document souhaite renforcer le lien entre l’institution scolaire et les parents. Il est clairement écrit que « l’école maternelle, en marquant pour ces derniers leur premier contact avec l’École, doit les aider à y trouver leur place, à comprendre son organisation et son fonctionnement, à se sentir parties prenantes de ses objectifs, de ses exigences et de son ambition pour leurs enfants. »
Le problème est-il que les parents trouvent leur place dans l’école ou leur place de parents, acteurs de l’éducation de leurs enfants ? Pour le SNALC, loin de nier les missions éducatives de l’école, chacun doit néanmoins rester à sa place et dans son rôle : l’école instruit, consolide une éducation, mais ce sont les parents qui éduquent.
La qualité a ses exigences
Dès l’introduction de la note d’analyse du CSP, « l’importance cruciale que le système éducatif français reconnaît à l’école maternelle et le rôle majeur de l’enseignement préélémentaire dans la prévention, dès le plus jeune âge, des difficultés scolaires » sont soulignés. « À cet âge, la relation affective prime sur la relation pédagogique ou elle la détermine. » Pour autant, cela se ne traduit toujours pas par des moyens humains indispensables et un taux d’encadrement digne. Et la concentration nécessaire aux apprentissages, soulignée par les chercheurs, en reste malheureusement empêchée. Des classes de MS et GS n’ont toujours pas d’ATSEM à temps plein et à cela s’ajoute la problématique de l’inclusion, bien souvent sans AESH le temps que la reconnaissance RQTH se mette en place.
« Les enseignants, formés aux spécificités de l’école maternelle, ne peuvent exercer leur métier que si certaines conditions sont satisfaites : des classes trop chargées ne permettent pas de prêter à chaque enfant l’attention qu’il mérite ; des espaces trop petits ou mal conçus ne sont pas propices pour déployer les jeux et les activités grâce auxquels les enfants apprennent. » Cela aura au moins le mérite d’avoir été dit, à défaut d’être appliqué.