(Avec dans le rôle du renard, Jean-Michel Blanquer ; dans le rôle du vieux corbeau, le professeur, et dans le rôle du jeune corbeau, l’étudiant)
Au moment de l’opération Un livre pour les vacances, où un recueil des fables de La Fontaine est offert aux élèves de CM2 quittant le primaire, il serait de bon aloi pour sieur notre ministre de relire la plus célèbre des fables pour expliquer la baisse des inscrits en ESPE et la hausse des démissions.
Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute
Les jeunes générations ne sont ni sourdes, ni aveugles. Les jeunes corbeaux ne veulent pas jouer les oiseaux de mauvais augure. Entre les suicides, le manque de soutien de la hiérarchie, la dégradation du climat scolaire, les grèves à répétition pour dénoncer le malaise de l’école et de ses professeurs, qui voudrait encore devenir enseignant de nos jours ? Les vacances ne sont plus une motivation suffisante. Et la sécurité de l’emploi n’est plus un argument avec la réforme annoncée de la Fonction Publique. Nos jeunes corbeaux vont donc voler vers des cieux plus cléments.
La note flash SIES du 29 mai 2019 vient confirmer le désamour et la désaffection pour notre métier : la diminution des effectifs en ESPE en 2018-2019 est la première depuis leur création en 2013 et est davantage prononcée en M2 où les inscriptions ont baissé de -5 % qu’en M1(-1,3 %).
Transformer les ESPE en INSPE et recourir au pré-recrutement des AED pour les étudiants n’y changera rien. Ecoutez donc le vieux corbeau, Maître Renard ! Il est revenu depuis longtemps de vos discours flatteurs et déconseille à tous de devenir enseignant, en commençant par ses corbillats qui l’ont bien entendu et ne sont pas près d’ouvrir grand leur bec pour laisser échapper le précieux fromage d’un avenir professionnel radieux.
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus
Le vieux corbeau, quant-à-lui, serre fermement le fromage dans son bec et envisage de prendre son envol pour aller le déguster loin des flatteries trompeuses de Maître Renard.
En effet, parallèlement à la note du SIES, le bilan social 2017-2018 de la DEPP vient de paraître. Le nombre croissant de démissions au fil des ans est édifiant.
Evolution du nombre de démissions depuis 2011 pour les enseignants du premier degré(1)
Année scolaire | Nombre de démissions | dont IDV |
2011-2012 | 322 | 150 |
2012-2013 | 289 | 91 |
2013-2014 | 384 | 114 |
2014-2015 | 461 | 74 |
2016-2016 | 532 | 82 |
2016-2017 | 694 | 93 |
2017-2018 | 861 | 102 |
L’IDV est l’indemnité de départ volontaire, qui doit d’abord être sollicitée et qui n’est pas systématiquement accordée. N’attendez pas de Maître Renard qu’il vous offre gracieusement un fromage, ça ne marche pas dans ce sens ! L’IDV concerne les agents quittant la fonction publique pour créer ou reprendre une entreprise, et dont la démission est acceptée. Précisions : Le montant de l’IDV pouvant être allouée à l’agent ne peut dépasser vingt‑quatre fois un douzième de la rémunération brute qu’il a perçue au cours de l’année civile précédant celle du dépôt de sa demande de démission (article 6 du décret du 17 avril 2008). L’écart entre nombre de démissions et le nombre d’IDV en 2017-2018 montre que même sans indemnité, les collègues n’hésitent plus à fuir. Bon envol !
Une morale s’impose pour éclairer notre Maître Renard
« Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Toute cette communication bien léchée ne leurre plus aucun professeur, ni aucun professeur en devenir. C’est terminé Maître renard, vous pouvez remballer votre verve. Vous ne ferez plus prendre des vessies pour des lanternes au vieux corbeau rompu à toutes vos ruses et tous vos subterfuges. Les jeunes corbeaux ne l’écoutent déjà plus en quittant le nid : ils iront se percher loin de vous, Maître Renard. Vous ne pouvez plus compter sur vos talents oratoires, vil goupil : l’astuce est éventée.