Menaces sur les commissions paritaires

Le droit de tout salarié «de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion de son entreprise » est garanti par le préambule de la constitution de 1946 (alinéa 8).

Pour les agents publics, ce droit s’exerce au sein d’instances de représentation des personnels :

– les CAP(1) pour les agents titulaires, qui traitent des sujets relatifs aux carrières individuelles,
– les CCP(2) pour les agents contractuels, qui sont compétentes pour les questions d’ordre individuel.

Actuellement, la CAP doit être obligatoirement consultée pour de nombreux actes de gestion des personnels : la titularisation ou son refus, le licenciement d’un stagiaire ou pour insuffisance professionnelle, la réintégration, la promotion, l’avancement de grade ou d’échelon, le détachement, la disponibilité, les refus de congé de formation, les sanctions disciplinaires, les mutations, l’acceptation de la démission.

La CAP peut également être saisie à la demande de l’agent pour une révision de notation, du compte rendu de l’entretien professionnel(3), des refus d’une demande de temps partiel ou de télétravail, du refus de l’acceptation de la démission.

Enfin, la CAP peut être consultée à la demande du Recteur ou de la moitié au moins des représentants pour toute question d’ordre individuel non expressément prévue par les textes.

Si les actions de gestion dévolues aux CCP sont moins étendues, elles sont néanmoins réelles : licenciements, sanctions disciplinaires, questions d’ordre individuel relatives à la situation professionnelle des agents non titulaires.

Sous prétexte de fluidifier les mobilités individuelles des agents et de renforcer le dialogue social sur la formalisation de critères permettant la reconnaissance du mérite, le projet prévoit non seulement de revoir l’architecture actuelle par corps, mais surtout de redéfinir les compétences dévolues aux instances paritaires.

Le projet préconise une architecture par catégories, avec des niveaux hiérarchiques distincts et par attributions :
– une CAP mobilité,
– une CAP promotion,
– une CAP pour les questions individuelles,
– une CAP disciplinaire.

Si, dans un souci de modernisation et de simplification(41), le SNALC n’est pas opposé à une réflexion sérieuse et élaborée, à ce sujet, il est par contre totalement opposé aux attributions de ces CAP telles que présentées par le projet.

En effet, pour la CAP mobilité, il s’agirait de supprimer toute compétence en matière de mobilité/mutation, pour toutes les questions concernant le détachement, l’intégration, la démission. Les représentants de la CAP seraient rendus destinataires de la liste des mouvements réalisés.

Pour la CAP promotion, l’autorité de gestion soumettrait des critères collectifs d’inscription sur une liste d’aptitude ou un tableau d’avancement et les représentants seraient ensuite destinataires de la liste des agents promus, avec n’oublions pas, publication des résultats «genrés».

Pour la CAP décisions individuelles, plus de droit de regard sur les décisions favorables (titularisation, acceptation d’un congé, d’une démission) et également restriction de la liste des actes soumis à la CAP sur la demande de l’agent. Le projet ne précise pas les restrictions envisagées, mais on ne peut qu’être inquiet quand on sait que la plupart des demandes émises par les agents concernent des recours quant à une appréciation professionnelle ou un refus d’avancement ou de promotion.

Pour la CAP disciplinaire, création d’une nouvelle sanction pour le premier groupe (exclusion temporaire de 3 jours), transfert éventuel de sanctions du deuxième groupe au premier. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, actuellement le premier groupe de sanctions comporte uniquement l’avertissement et le blâme, sanctions effacées du dossier de l’agent au bout de 3 ans. Les sanctions du second groupe sont actuellement la radiation du tableau d’avancement, l’abaissement d’échelon, l’exclusion temporaire jusqu’à 15 jours et le déplacement d’office. Les sanctions du premier groupe ne nécessitent pas l’avis de la CAP. Là, on mesure bien qu’il ne s’agit pas de simplification, mais d’accroître la possibilité de sanctionner un collègue, sans que celui-ci n’ait eu connaissance du motif de la procédure disciplinaire avant la notification de la décision.

On mesure à l’aune des périmètres de compétences envisagées pour ces nouvelles CAP, qu’il s’agit moins de moderniser ces instances que de limiter les droits et possibilités de recours des agents, bref de s’attaquer aux statuts de la Fonction publique.

Si on souhaitait réellement simplifier le mille-feuiile des commissions, il faudrait également s’interroger sur l’utilité et la pertinence de nombreuses commissions : CAEN, CDEN, CAAECEP. Mais il est vrai que dans ces commissions siègent les parents d’élèves.

(1) CAP : commissions administratives paritaires parmi lesquelles on distingue les commissions à compétences départementales (CAPD pour le premier degré), académiques (CAPA), nationales (CAPN).
(2) CCP : commissions consultatives paritaires, à compétence uniquement académique.
(3) De l’appréciation du Recteur émise à l’issue du rendez-vous de carrière.
(4) Il y a 349 CAPN au sein de la Fonction publique d’État, sans parler des CAPA, des CAPD.

Le SNALC se distingue des autres organisations par sa grande proximité avec ses adhérents et sympathisants.Nous avions évoqué , dans un précédent article, la distance qu’avaient prise au cours des décennies les grosses centrales subventionnées avec les personnels : les multiples aides et financements perçus ont fini par leur accorder une grande indépendance… vis-à-vis des personnels censés être représentés.

On a ainsi hélas vu se développer un syndicalisme d’appareil et des syndicalistes de métier, qui n’ont aujourd’hui plus de liens – excepté électoraux – avec les personnels et leurs attentes.

Ceux-là monopolisent la parole, votre parole, votre voix, et agissent au nom du collectif par une sorte de procuration virtuelle de l’ensemble des personnels, y compris non syndiqués.

Cette représentation théorique s’éloigne des réalités et difficultés auxquelles chaque agent est individuellement confronté dans l’exercice quotidien de sa mission.

Au SNALC, il n’y a pas de « syndicaliste » de métier. La plupart des effectifs sont constitués de militants convaincus par notre conception d’un syndicalisme de proximité, réellement indépendants, soucieux avant tout des intérêts et du bien- être des personnes dans l’exercice professionnel. Le succès du collectif ne peut s’entendre qu’en prenant soin de ce qui en fait la richesse première : les individus. Pour le SNALC, la défense d’une profession passe d’abord par le soutien et le respect des femmes et des hommes qui l’exercent dans des conditions qui ne cessent hélas de se dégrader. Cette défense-là ne saurait se limiter au huis clos feutré d’une commission paritaire : elle nécessite une présence de terrain, courageuse et déterminée quand il s’agit d’affronter et de résoudre des situations conflictuelles, de faire cesser les pressions et abus qui se multiplient.

Sa représentativité, le SNALC l’a bâtie et renforcée par son engagement auprès de tous ceux qui ont à cœur d’exercer leur métier de leur mieux et dans les meilleures conditions possibles.

Cette présence et cet accompagnement définissent les principes de l’action du SNALC et dénotent sa singularité dans un paysage syndical où la plupart des organisations depuis trop longtemps installées ont perdu de vue ceux qu’elles étaient censées représenter.

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