Protocole sanitaire : entre incohérences, incompréhensions et colères

L’angoisse liée à la remontée prévisible du taux de contamination est omniprésente depuis la rentrée. Les écoles ont été confrontées à des inquiétudes légitimes, des absences, des mises à l’isolement dues à des dépistages positifs, des classes fermées. Depuis cette rentrée, les enseignants ont du mal à comprendre pourquoi il semble y avoir deux poids deux mesures entre l’école et le reste de la société concernant la sécurité sanitaire.

Incohérence…

Alors que la rentrée s’annonçait anxiogène, les masques chirurgicaux mis à notre disposition dans les écoles ont été remplacés par des masques en tissu en nombre insuffisant (les professeurs remplaçants n’avaient souvent pas été comptabilisés).

Suite à la publication du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 dans son article 11, alinéa IV qui stipulait : «Toute personne de onze ans ou plus porte, à bord des aéronefs […] un masque de type chirurgical à usage unique … », une grande compagnie aérienne nationale a déclaré : « Un masque chirurgical filtre au moins 95 % des particules à partir d’une taille de 3 microns, et présente un double avantage : il filtre évidemment les particules émises par le porteur, mais selon l’INRS, il protège également celui qui le porte contre les projections de gouttelettes émises par une personne en vis-à-vis. Le masque chirurgical permet de filtrer à la fois l’air inhalé et l’air expiré.»

Ce choix de masques en tissu pour l’Éducation nationale n’était donc pas de nature à nous rassurer, encore moins lorsque nous lisions la notice explicative fournie par un fabricant français : « Type de produit : masque réservé à des usages non sanitaires de catégorie 1 selon la note d’information du 29 mars 2020 ».
Dans nos écoles où les enfants de moins de onze ans ne portent pas de masque, ce détail n’est pas anecdotique. En effet, il y a une différence entre les masques en tissu et les masques chirurgicaux. D’ailleurs, à la date de rédaction de cet article, les masques chirurgicaux sont pour l’instant uniquement fournis aux personnels présentant un facteur de vulnérabilité.

Incompréhension…

En plus du manque de fiabilité des masques en tissu, l’application du protocole de rentrée « version allégée » impose des déclinaisons sur le terrain qui n’ont parfois ni queue ni tête :

  • Nous avons souvent été contraints d’organiser plusieurs réunions de parents afin de limiter le nombre de personnes dans une même pièce plus de 15 minutes mais… nous accueillons 30 élèves dans une même classe 6 heures par jour, non masqués et sans distanciation,
  • La distanciation physique est à rechercher cependant, mais… « Elle n’est plus obligatoire lorsqu’elle n’est pas matériellement possible ou qu’elle ne permet pas d’accueillir la totalité des élèves »,
  • Les gestes barrières et le lavage des mains systématique demeurent la règle, mais… beaucoup d’écoles ne possèdent pas suffisamment de points d’eau,
  • Le brassage des élèves est à éviter autant que possible mais… les moments de recréation et de repas ne peuvent être échelonnés « autant que possible »,
  • Il faut éviter les attroupements de parents aux entrées et aux sorties, mais… les entrées et sorties décalées ne sont en général pas autorisées pour des raisons sécuritaires…

Colère…

Alors qu’hier on fermait une classe pour un seul cas positif et alors que le nombre de cas ne fait qu’augmenter en France, le protocole sanitaire des écoles a été allégé le 22 septembre et il faut désormais attendre trois cas positifs de fratries différentes pour que l’enseignant et les autres élèves soient considérés comme contacts à risque !

Les professeurs sont dans l’obligation de porter un masque. Pourtant des experts nous affirmaient en mars dernier que le masque ne servait à rien… Aujourd’hui des experts affirment que le risque de transmission du virus d’un enfant à un adulte est faible… Mais qu’en est-il de 30 enfants enfermés dans une salle sans masque pendant 6 heures avec un adulte ? Qu’en est-il de ces 30 enfants qui ne peuvent pas respecter les gestes barrière, qui ne gardent les mains propres que maximum 20 secondes après chaque lavage et qui se mettent systématiquement les doigts dans la bouche ? Qu’en est-il des crayons, cahiers, livres, mains, mouchoirs, etc. que l’enseignant touche toute la journée sans avoir la possibilité de désinfecter quoi que ce soit ?
Depuis mars dernier, nous nous sommes conditionnés pour prendre toutes les précautions dans nos déplacements, nos contacts, nos sorties, avec nos enfants, avec nos parents, avec nos proches. Le risque quotidien de contact avec le virus et cette impossibilité évidente de respecter toutes les mesures requises auraient dû se traduire à minima par un retour du masque chirurgical pour tous les adultes encadrant des groupes d’enfants.

Cette crise a certes engendré des prises de risques inévitables par des actions d’urgence, des réponses immédiates et des improvisations. Pour le SNALC, il est inadmissible quatre mois après le déconfinement que les enseignants sur le terrain aient encore à composer avec des contradictions et des incohérences. Quinze jours après la rentrée, les collègues étaient déjà épuisés… Aujourd’hui, lassés de ces contradictions, les professeurs souhaiteraient qu’on cesse un jour de faire fi de leurs capacités cognitives.

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